courrier des lecteurs

Lettre ouverte à Mme la conseillère fédérale Doris Leuthard

11 nov. 2008

Quand je lis vos déclarations au sujet des négociations visant à une libéralisation totale des échanges agricoles entre la Suisse et l'UE, je cite: "Il y va pour nous du bon positionnement de l'agriculture et de l'économie alimentaire dans les huit à dix ans." ("Le Nouvelliste" du 5.11.08), ces propos démagogues me font réagir. La très sérieuse Université de Saint-Gall a étudié l'incidence de ces accords de libres-échanges sur l'agriculture suisse. Leur étude nous apprend que pour l'arboriculture par exemple, il en résulterait une baisse de prix de 35 à 40% qui serait fatale à la grande majorité des exploitations suisses. Que les consommateurs que nous sommes tous, ne se fassent pas d'illusions, ces baisses de prix ne seront pas répercutées sur le panier de la ménagère, mais ne profiteront qu'à augmenter les mirobolants bénéfices des deux ou trois géants de la grande distribution et de la transformation, à l'image de ce qui s'est passé dans nos pays environnants. A l'heure où la sécurité alimentaire et la sécurité énergétique constituent les grands défis du futur, la Suisse disposerait pourtant d'atouts majeurs avec son agriculture de proximité respectueuse de l'environnement. Pourquoi vouloir sacrifier notre agriculture "de la région", garante de notre autonomie alimentaire, ménageant notre climat et évitant les transports "idiots" d'un coin à l'autre de l'Europe, ne profitant qu'à quelques spéculateurs? Après toutes les mutations exigées à notre agriculture afin d'être plus écologique et plus en phase avec le marché intérieur, je dois vous avouer, Madame la Conseillère fédérale, que j'ai de la peine à comprendre qu'un esprit aussi brillant que le vôtre, décide de sacrifier notre agriculture verte sur l'autel du libre-échange. A moins que l'intérêt de quelques géants de l'alimentaire pèse plus lourd dans vos prises de décisions, que l'intérêt du bien commun du pays. Que diriez-vous si on vous imposait une baisse de salaire de 35 à 40% afin d'assurer un bon positionnement des finances fédérales futures? L'agriculture suisse, citée en exemple par de nombreux pays, ose-t-elle encore espérer de votre part à l'avenir un peu plus de considération, que d'être jetée en pâture au libéralisme économique sauvage?
par Antoine Bétrisey, arboriculteur à Saint-Léonard