courrier des lecteurs

La deuxième vague, ses pages, ses morts

17 nov. 2020

Notre empathie a été fortement affectée lors de la première vague lorsque le nombre de pages dédiées aux morts a quintuplé dans le journal local. Nous, qui étions habitués à quelques faire-part qui y occupaient deux à trois pages, réalisions que le virus existait bel et bien et qu’il emmenait avec lui son lot de personnes fragiles. Aussi, nous ne pouvions que pleurer ces hommes et femmes à qui il restait encore tant d’années à vivre, anéanties par le Covid.

Puis la première vague est passée, les pages se sont réduites, plus qu’à l’habituel. Là où nous avions deux feuilles, il n’en restait parfois plus qu’une demie. Les personnes qui auraient pu les remplir étaient parties, plus tôt que prévu mais était-ce vraiment trop tôt? Nous ne pouvons pas y répondre à leur place, heureusement.

Arrive enfin la deuxième vague, les pages se multiplient à nouveau, mais cette fois la situation est différente. Ceux qui les remplissent sont plus âgés, ceux qui les rédigent ne veulent pas attribuer au Covid ce qu’il n’a pas accompli seul. Là où nous voyions «emportés par le Covid-19» en mars, nous voyons «s’est endormi paisiblement» en novembre. D’autres osent un pas de plus, «sa santé fragile due à une longue maladie n’a pas résisté au Covid-19» peut-on lire. On devine un certain désarroi de la part des familles des défunts, une envie de nous dire que la maladie subie pendant de longues années ne doit pas être mise de côté au profit du Covid, un besoin de faire part des douleurs qui ont accompagné les dernières années de vie de la personne pleurée. 

Nous n’acceptons plus la simplicité du mot «Covid» sur un certificat de décès, nous voulons transmettre la douloureuse réalité de la vie, celle qui est faite d’une quantité inépuisable de maladies, certaines plus agressives que d’autres.

par Narcisse Siggen, 3966 Réchy