courrier des lecteurs

L'homme sans limite

26 sept. 2021

Kierkegaard a écrit: «Qui épouse l’esprit du temps sera vite veuf.» «Nous avons gagné!» clament les chantres de l’open society, satisfaits. La société suisse en sortira-t-elle plus apaisée, grandie? L’idéologie progressiste est née de la pensée que c’est en se libérant des codes culturels que chacun peut s’épanouir. C’est fait! L’homme sans restriction peut se remodeler à son image. Le progressisme s’opère dans une volonté de transfert de transcendance: détrôner la référence au Dieu créateur, et instaurer une excendance formée par une spiritualité humaniste débarrassée de Dieu.

Reste pourtant un malaise: après avoir supprimé les déterminismes, écarté Dieu, nivelé les différences, effacé le poids du réel, il y a toujours un dernier poids à vaincre, que soulève Emmanuel Levinas: «le poids mort au fond de notre être, dont la satisfaction n’arrive pas à nous débarrasser». Le peuple suisse a en réalité dit oui au rejet de la transcendance, refusant le regard du Dieu personnel qui nous a créés à son image, qui questionne notre art et notre «désart» de vivre. L’homme contemporain veut réparer ce que Dieu aurait raté, en déconstruisant l’identité de l’homme créé, pour le remplacer par l’identité de l’homme conceptualisé. En voulant améliorer la condition humaine (sans se réconcilier avec Dieu) et corriger l’erreur du Créateur d’avoir formé l’homme et la femme dans une différenciation sexuelle, notre société suisse a entériné la transgressivité comme légitime.

Le nouvel humanisme auquel a souscrit le peuple suisse place l’homme self-made et ses appétits illimités au centre de l’univers sans Dieu. Voilà donc l’être humain affranchi dans un nouvel Eden. Mais, dans ce paradis sans Créateur, sera-t-il libéré du «poids mort au fond de son être»?

par Olivier Taramarcaz, 1927 Chemin d'en Haut