courrier des lecteurs

EMS: la trahison

12 déc. 2020

EMS: la dernière demeure, un «lieu de vie» comme aiment à souligner les responsables de homes. L’entrée dans un tel établissement est une étape douloureuse. Les voilà accéder au statut de «pensionnaires» ou «résidents». C’est la famille qui constitue le lien entre le passé et le présent. Sans ce lien, il ne reste que le chemin vers la mort. 

En mars 2020, la pandémie au coronavirus envahit l’Europe comme la peste au Moyen Age, semant la terreur. Des mesures martiales ont été prises et notamment la fermeture des EMS aux visites et le confinement en chambre des pensionnaires. 

Puis l’été est arrivé, les contraintes ont été allégées avec tout de même d’importantes restrictions. Et voilà que la deuxième vague attendue arrive de plein fouet. Et rebelote, on ferme à nouveau en Valais les EMS. Malgré l’absence de visite, le Covid entre dans les homes et de nombreux pensionnaires en sont victimes. 

En tant que médecin, j’ai constaté la souffrance de résidents qui estimaient qu’il valait mieux mourir que survivre dans ce monde carcéral. Certains ont succombé au syndrome de glissement: sans motivation ni stimulation, ils se laissent aller jusqu’à la mort. Et que dire de mourir dans la solitude et cela malgré les «bons soins du personnel soignant». Comment réaliser son deuil pour les familles qui n’ont vu que le cadavre de leur parent et là je parle en fils! Je comprends que lors de la première vague pandémique, face à l’inconnu, des mesures d’urgence ont été prises. Mais de recommencer à utiliser les mêmes armes en octobre relève de l’acharnement. 

A-t-on le droit moral d’infliger une telle maltraitance? Est-ce que leur vie vaut encore la peine d’être vécue dans ces conditions? Entre prendre des décisions adaptées de protection et imposer une loi martiale, il y a un monde: celui de l’humanité. Alors oui, notre société a maltraité nos aînés: c’est une trahison. 

par Dr. Darbellay Gilbert, 1937 Orsières