courrier des lecteurs

Patiente en septembre

22 déc. 2010

Etrange vaisseau spatial, au dernier étage de la clinique, envahi de machineries, de tuyauteries, de la lumière orange d'ampoules clignotantes, de bips bips, d'écrans radars aux rapides clapotis sibyllins! Ils ont endossé leur combinaison flottante de tissu papier bleu jetable, et chaussé de grosses lunettes hublots qui leur donnent des airs d'aviateurs des temps perdus, égarés hors du désert. Ne pas oublier les deux infirmières, revêtues de même, discrètes et effacées, anges ou fées... non, femmes, tout simplement. Qui dira l'indispensable humilité bleue de la violette? Maintenant, les deux avionautes naviguent à vue, glissant leur bidule sur l'écran, à travers les allées multiples d'une forêt de mouvantes arborescences. Facilité des virtuoses! Légèreté des esprits bienheureux! Les yeux rivés sur les parcours, avec la concentration aiguisée et infrangible des joueurs de billard, ils soumettent les instruments à la volonté toute-puissante de leur pensée réfléchie. Ils sont là, tous les deux, dans une solidarité d'extrême humanité, comme debout au sommet de la pyramide des milliers d'heures de recherches, de travaux de toutes sortes menés avant eux: mathématique, physique, biologie, chimie et autres sciences des matériaux, imagerie, médecine, chirurgie... Tout cela pour aboutir ici, au dernier étage de la clinique, à ces quatre mains qui tiennent mon cœur au bout de leurs doigts. Ultime chaîne de l'humaine solidarité. Quelque chose de Saint-Exupéry, de Malraux ou de Camus. Homme créé à l'image de Dieu et à Sa ressemblance, homme qui se rapproche ici de cette ressemblance, lumineuse beauté de l'être humain en chemin vers sa finalité... Me reste un petit mot, aussi court que star ou Stern: stent, minuscule étoile filante dans la nuit des artères, qui se prend pour un tunnel grillagé vers la lumière. Quelle audace! Les hommes en bleu m'ont rendu le souffle. Comment le leur rendrai-je?
par Danielle Allet-Zwissig, Sion