courrier des lecteurs

Ce qui compte, ce n'est pas d'être tordu, mais c'est de porter du fruit

15 oct. 2007

Aucun vigneron ne vous dira le contraire, surtout pas en pleines vendanges! Et pourtant, cette parole ne nous vient pas d'un viticulteur du terroir, elle est le témoignage d'un homme cabossé par la vie, battu par son père alcoolique et abandonné par sa mère: Tim Guénard, aujourd'hui apiculteur dans les Pyrénées, est marié, père de quatre enfants et depuis peu grand-papa. Il vit dans une ferme qu'il a voulue comme une "maison accordéon", ouverte pour accueillir des jeunes en difficulté. Tim sillonne également les routes pour partager son expérience et offrir sa présence en témoignage d'espérance auprès de tous ceux qui ont besoin d'être encouragés à prendre soin de leur vie ou à se mettre au service de la vie d'autrui. C'est dans cet esprit que Tim est venu le week-end passé parler à plus de trois cents élèves de l'EPP et du Cycle de Saint-Maurice ainsi que du CO d'Orsières, avant d'être accueilli à l'Hospice du Grand-Saint-Bernard, à la Maison de la famille et au Centre éducatif protégé de Pramont. Aujourd'hui, Tim cherche à offrir "un joli regard" à chaque personne rencontrée, car il sait par expérience combien les mots blessants et les regards méprisants sont encore plus destructeurs que les coups reçus. Les trois ans d'hôpital pour se remettre de la violence de son père ont été moins rudes que les bleus à l'âme causés par trop de paroles assassines, car c'est ainsi que l'on parlait de lui: "Tel père, tel fils: c'est pourri jusqu'à la moelle! Les chiens ne font pas des chats!" "Quand on chiffonne un cœur, explique Tim, ça donne des peurs et des manques de confiance." Du coup, l'agressivité et la violence deviennent un moyen pour ne plus ressentir tout ce qui fait mal à l'intérieur. Plutôt que de lutter contre la souffrance, il faut chercher à en faire son amie en l'apprivoisant peu à peu. Cette démarche paraît impossible sans l'expérience libératrice du pardon qui est essentiellement une réconciliation avec sa propre histoire: "Me pardonner à moi-même ce que je n'ai pas voulu vivre et qui m'a fait trop mal." N'est-ce pas aussi cela la miséricorde de Dieu?: une présence aimante au creux de ma misère afin que ma douleur ne me fasse pas perdre cœur au point de démissionner de mon métier d'homme. Aujourd'hui, Tim a déposé le sac à dos trop lourd de la haine pour endosser celui de l'espérance: ce nouveau sac porte certes le poids de toutes les tribulations humaines, mais il est aussi empli d'une telle force de vie grâce à laquelle chacun peut donner du fruit en son temps!
par Chanoine José Mittaz, Charrat