courrier des lecteurs

Cassis de Dijon ou bouillon d'onze heures?

14 mai 2009

Le climat des relations helvético-européennes est gris, tendance orage. L'Union européenne, à mesure qu'elle accumule les dysfonctionnements, devient de plus en plus irritable, et notre indépendance têtue mais prospère l'indispose comme un désaveu public. Les pressions auxquelles elle nous soumet sont, du coup, de moins en moins voilées. Cette situation a le mérite de crever un abcès que nombre de nos concitoyens euronostalgiques ne voulaient pas voir. Elle invite nos dirigeants à adopter un langage clair et décidé. Ceux d'en face veulent nous voir à terre et ils le clament sans équivoque: face aux vociférations, les courbettes ne sont plus de mise. Après la place bancaire, voici le commerce international qui est bousculé par une révision de la loi sur les entraves techniques au commerce. Cette révision plus communément appelée "Cassis de Dijon" n'est que la première des couleuvres que l'UE entend nous faire avaler. Elle demande ni plus ni moins que la Suisse accepte d'importer des produits non conformes à nos normes du moment qu'ils respectent celle d'un membre quelconque de l'Union européenne. Sans contrepartie, il va de soi. Les produits agroalimentaires seront particulièrement touchés par cette révolution. L'agriculture suisse consent de grands efforts pour nous fournir des aliments de haute qualité, obtenus par des méthodes plus respectueuses de l'environnement que celles de nos voisins. Ouvrir la porte à des produits étrangers répondant à des normes inférieures conduira inéluctablement à la disparition de cette exigence et à une baisse de la qualité: moins d'hygiène, moins de respect des animaux et de la terre et la traçabilité est oubliée... La gauche socialiste espère ingénument que cette nouvelle concurrence permettra d'alléger les dépenses du consommateur suisse. Or, l'expérience montre que la réduction des coûts d'approvisionnement bénéficie avant tout aux grands distributeurs en leur permettant d'accroître leurs marges, et très marginalement aux consommateurs. Si cette baisse des prix devient effective, l'agriculture suisse va disparaître. Alors que le Conseil fédéral vient de casser inconsidérément le prix du lait, nos paysans se retrouvent sans réserves pour faire face à une nouvelle chute de leurs revenus. En appuyant de telles décisions, le PDC, pourtant soutenu par les milieux paysans dans nombre de cantons, a planté dans le dos de nos agriculteurs un couteau qui risque de leur être fatal. A l'heure où l'UE adopte une attitude de maître chanteur, nous n'avons pas à lui complaire. Exiger la réciprocité est la condition première et indispensable de toute négociation digne. Le Cassis de Dijon que nos lèche-bottes brandissent comme un trophée n'est déjà qu'un purgatif. Recrachons-le avant qu'il devienne notre bouillon d'onze heures...
par Fabienne Despot, ingénieure, députée UDC au Grand Conseil vaudois