courrier des lecteurs

De l'hypocrisie durable

8 juin 2009

Au ravalement des façades de la bonne conscience, chacun (voyant irréfutablement les glaciers fondre et la planète Terre partir en vertigineuses cacades) de plus en plus fiévreusement s'active. Voyez en ce début de juin le festival que Genève – de la ville et du canton – allume au sacré nom post-moderne du "Développement durable". Chacun y va de sa plus maigre trouvaille. Les festivités sont si vastes qu'il y faut un cahier de bien 65 pages pour vaguement les recenser. Là (évitant soigneusement le subversif arbre à palabres) on préfère faire parler l'arbre à blabla via des voix d'artistes dûment enregistrées. Ici l'on récupère de vieux portables pour les offrir au tiers monde que notre fric passionnément assassine. La palme revient à Chêne-Bourg qui titre sans sourciller "Mes ordures, mon futur". Et cependant au bord du lac, et cependant au Port-Noir des norias de gros camions-remorques, Volvo ou Mercédès, font la ronde pour amener à polluants grands frais sur l'esplanade de granit les glorieux matériaux qui feront bientôt s'ériger le Ciné-Lac. Cette idiotie parfaite. Hauts gradins élevés face à la beauté du lac qu'aussitôt l'on occulte d'un grand écran où l'on projettera les plus récentes fadaises et les émois les plus vendeurs. Afin que chacun jouissivement contemple le vide actif où il se tient. Afin que chacun continue de bien tuer ce qu'hypocritement il prétend sauver. Sur la Terre, la vie même.
par Jean Firmann, Genève