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A Châtelard-Frontière, le coutelier Sylvain Brunet perpétue un art pratiquement disparu

Rencontre avec le seul artisan coutelier professionnel encore en activité dans l’arc alpin. Installé à Châtelard, à quelques mètres d’une frontière où plus personne ne passe en cette période de pandémie, Sylvain Brunet fait figure de résistant.

20 avr. 2020, 20:00
Même si son magasin est fermé en raison de la pandémie, Sylvain Brunet continue de fabriquer ses couteaux artisanaux dans son atelier à Châtelard-Frontière.

On vous emmène à la rencontre d’un savoir-faire unique dans l’ensemble de l’arc alpin, de l’Autriche à la France, en passant par l’Italie et la Suisse. Installé depuis deux ans et demi à Châtelard-Frontière, à quelques mètres de la France, son pays d’origine, l’artisan coutelier professionnel Sylvain Brunet perpétue un art pratiquement disparu: «A ma connaissance, je suis le seul à fabriquer des couteaux entièrement à la main, sans aucune sous-traitance. Je vis un peu à contre-courant, mais en parfaite harmonie avec l’état d’esprit qui m’anime depuis toujours.»

Je vis un peu à contre-courant, mais en parfaite harmonie avec l’état d’esprit qui m’anime depuis toujours.
Sylvain Brunet, artisan coutelier professionnel

Malgré la pandémie, et le fait que plus personne, ou presque, ne franchit la frontière, il continue de produire ses couteaux dans son atelier: «Le magasin est fermé, de même que les marchés. Il me reste la vente par correspondance. Je résiste, mais il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps.»

L’esprit de la montagne

Originaire de Queyras, dans les Hautes-Alpes françaises, Sylvain Brunet, né en 1973, a suivi une formation d’armurier à Liège, en Belgique. Diplômé à 20 ans, il en a fait sa profession pendant six ans. En 1999, il se lance, en indépendant, dans la coutellerie artisanale, une passion de longue date. «J’avais attrapé le virus, mais c’était un bon virus. Pourtant, peu de gens croyaient que j’allais m’en sortir.»

Humble et discret, mais en même temps pugnace et sûr de lui, il peaufine, en autodidacte, son art et travaille d’arrache-pied. Le succès venant, il se crée un large réseau. Y compris dans notre pays où il vient dans les marchés, comme à Sierre, lors de la Sainte-Catherine, ou à Martigny.

J’ai été très bien accueilli ici. J’ai retrouvé l’esprit montagnard de mes origines.
Sylvain Brunet, artisan coutelier installé à Châtelard-Frontière depuis deux ans et demi

Fin 2017, il décide de s’installer en Suisse et débarque, avec son épouse et leurs trois enfants, à Châtelard-Frontière, sur la commune de Finhaut, un lieu qu’il estime stratégique pour son commerce, entre la Savoie, le val d’Aoste et le Valais. «J’ai été très bien accueilli ici. J’ai retrouvé l’esprit montagnard de mes origines. Une fois que la glace a été brisée, les gens du coin se sont montrés solidaires, sympathiques et généreux.»

50 opérations pour un couteau

S’inspirant des couteaux de berger, Sylvain Brunet fabrique des pièces uniques au monde: «Je répète souvent que mes couteaux ont une âme, qui est d’ailleurs une partie de la mienne.»

Pour réaliser un couteau en partant de la matière brute, l’acier et le bois, plus de cinquante opérations sont nécessaires. «Les plus marquantes?La mise en forme des lames, on appelle ça l’émouture; leur traitement thermique, c’est la trempe; le façonnage du manche en bois. Et la finition.»

 

Plus de cinquante opérations sont nécessaires à Sylvain Brunet pour fabriquer ses couteaux artisanaux. © Sacha Bittel

S’il reçoit l’acier sous forme de barres, il coupe souvent lui-même le bois sur pied, qu’il laisse sécher six ans au minimum. «J’aime travailler les bois alpins – le mélèze, le cytise des Alpes, le frêne, l’aubépine – mais aussi d’autres comme le noyer et l’olivier.»

Pas de couteau de luxe en revanche ni de réalisation extravagante. «Je fabrique des couteaux de poche, simples, pratiques et robustes, en tous les cas pour un usage courant. Ce sont des outils que l’on garde à vie mais qui doivent vivre. J’apprécie d’ailleurs que leurs propriétaires les utilisent régulièrement.»

Quel avenir pour l’artisanat?

S’il écoule sans trop de problèmes sa production, de l’ordre de quelques centaines de pièces par an, vendues à des prix très abordables (entre 120 et 250 francs), Sylvain Brunet se pose des questions légitimes sur l’avenir de son art.

«Il faut être passionné pour travailler à l’ancienne, comme je le fais. Ce n’est pas évident, face aux rouleaux compresseurs industriels, mais je suis un résistant à quelque part. J’espère au moins, lorsque la crise du coronavirus sera passée, que le travail des artisans indépendants sera revalorisé et reconsidéré à sa juste valeur.»

En savoir plus : Le site internet du coutelier Sylvain Brunet

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