C’est un anniversaire dont le Valais se serait volontiers passé. Mais pour lequel il a tenu à souffler les bougies avec satisfaction. L’assainissement des sites pollués par l’industrie a sérieusement débuté il y a dix ans. Mardi, devant ses partenaires de lutte contre la pollution et les médias, le Département cantonal de l’environnement a fait le point sur une décennie de travaux. Son chef, Jacques Melly, justifie cette opération de communication «par la volonté de montrer que l’Etat du Valais n’a pas fait que réagir à l’actualité politique et médiatique, mais que cela fait des années qu’il s’est engagé sérieusement dans la gestion de ce lourd passé».

Les chiffres semblent aller dans son sens: 440 rapports d’investigation, de surveillance ou d’assainissement ont été rédigés, 525 000 tonnes de déchets et de matériaux fortement pollués ont été excavés et éliminés. Le tout pour 300 millions de francs, assumés intégralement par les pollueurs ou leurs successeurs juridiques.

Les progrès du canton salués

C’est à Monthey que le processus de dépollution a le plus avancé. Souillés par l’activité de la CIBA, la décharge du Pont-Rouge et l’étang de la step ont été complètement nettoyés. Directeur de l’association des Médecins en faveur de l’Environnement (MfE), Martin Forter constate que «le problème a été bien traité, et plus rapidement qu’à Bâle-Campagne où rien ne se passe vis-à-vis d’une décharge dangereuse du même type».

La décharge du Pont-Rouge a été bien traitée, et plus rapidement qu’à Bâle-Campagne.

Martin Forter, directeur des Médecins en faveur de l’Environnement (MfE)

De manière générale, le spécialiste salue la démarche des autorités. «Elles ont fait des efforts. En 2014, j’étais plus critique.» Comme les milieux écologistes valaisans, il estime néanmoins que la section cantonale des sites pollués est sous-dotée, ce que Jacques Melly conteste. Conscient qu’il s’agit d’une petite équipe, il estime que six collaborateurs, employés en moyenne à 80%, permettent d’atteindre les objectifs fixés.

Député UDC au Grand Conseil, Cyrille Fauchère observe lui aussi des progrès de la part du Service de l’environnement. «Sur la question du mercure, je trouve que depuis 2015, le canton travaille de manière plus méthodique et transparente.» Avec ses collègues de la Commission de gestion (COGEST), le politicien planche sur un rapport visant à établir la connaissance des faits par l’Etat du Valais et la pertinence des mesures prises par le gouvernement. En 2018, une enquête du «Nouvelliste» rappelait que le canton avait connaissance de la pollution au mercure depuis 1975 au moins, mais qu’il n’a véritablement agi que près de quarante ans plus tard.

Sur la question du mercure, je trouve que depuis 2015, le canton travaille de manière plus méthodique et transparente.

Cyrille Fauchère, membre UDC de la Commission de gestion du Grand Conseil

27 sites complètement assainis

En attendant les conclusions de la COGEST prévues pour la fin de l’année, la Lonza poursuit les démarches de décontamination. Depuis 2016, 25 000 tonnes de matériaux ont été excavées puis remplacées par du sol propre, sur quinze chantiers. La moitié des parcelles d’habitation ont ainsi été lavées. Parmi les autres grands chantiers achevés, le Département de l’environnement cite ceux des anciennes usines d’aluminium de Steg et de Chippis.

Globalement, 27 sites sur les 65 pollués par l’industrie ont été complètement assainis. Dix supplémentaires ont été assainis, mais nécessitent encore des mesures. Dix autres devront encore l’être. Les 18 derniers sites font soit l’objet d’une surveillance ou d’investigations, soit ne nécessitent pas de mesures. Le compte est bon? Jacques Melly a suffisamment confiance en le cadastre des sites pollués pour ne pas craindre la découverte d’une nouvelle contamination majeure. «Cela n’a pas toujours été le cas, mais je crois pouvoir dire que nous disposons aujourd’hui d’une bonne vision d’ensemble.»

Cela n’a pas toujours été le cas, mais je crois pouvoir dire que nous disposons aujourd’hui d’une bonne vision d’ensemble.

Jacques Melly, conseiller d’Etat chargé de l’environnement

Les milieux écologistes sont divisés sur ce sujet. Chargé d’affaires à Pro Natura, Thierry Largey se fie, lui aussi, au cadastre. «Je ne crois pas à la théorie du complot prétendant que des pollutions sont cachées ou ont été ignorées.» Au WWF, Marie-Thérèse Sangra estime, pour sa part, que «toutes les pollutions n’ont certainement pas été découvertes». La secrétaire régionale de l’association souhaiterait que le canton s’engage de manière plus proactive dans la recherche de nouveaux foyers.

Travaux pour encore au moins 300 millions

Quoi qu’il en soit, le Valais est encore loin d’avoir réglé son héritage industriel. Jacques Melly n’articule aucune échéance, mais s’attend à ce que les industries doivent y allouer des montants aussi importants que ceux dépensés jusqu’à aujourd’hui, soit environ 300 millions de francs.
La décharge de Gamsenried, entre Viège et Brigue, et un remblai proche du Rhône à Sierre constituent les deux principaux projets. Sans oublier la décontamination du Grossgrundkanal, des parcelles agricoles et de la moitié restante des zones d’habitation souillées de mercure haut-valaisan. Le coût total pour la décontamination des sols par la Lonza est estimé à 47,5 millions de francs. Le canton et quatre communes paieraient, eux, un maximum de 3,5 millions.

L’Etat devrait passer à la caisse?

A ce jour, les collectivités publiques n’ont encore dépensé aucun franc dans l’assainissement de sites directement pollués par l’industrie. La donne pourrait changer si des entreprises faisaient faillite et que l’Etat du Valais ne pouvait pas obtenir de garanties financières à temps. Un tel cas pourrait se produire pour l’usine d’aluminium des Vorziers à Martigny, qui n’est plus en activité. «Tous les profits de la conversion en zone artisanale serviraient à l’assainissement, mais peut-être que cela ne suffira pas», admet Luis Antunes, architecte mandaté par la société en faillite pour gérer le dossier.

A Evionnaz, si l’Etat ne parvient pas à imputer la responsabilité de la pollution du canal de la Balmaz à BASF, ce sera à la commune d’Evionnaz, au canton et à la Confédération d’assumer les coûts d’environ 1 million de francs. Dans ce genre de situation, la clé de répartition prévue par la loi est de 20% pour la commune, de 40% pour le canton et de 40% pour la Confédération. L’enjeu des négociations avec les industriels est donc de taille.

Sites pollués du Chablais: une plateforme d’échange créée

Les acteurs concernés par les sites pollués du Chablais sont réunis par le Service de l’environnement pour améliorer la communication.