Il aura bientôt 35 ans de métier et a toujours la flamme. «Le jour où je serai aigri, j’arrêterai», lance d’emblée Christophe Delavy (54 ans), ambulancier. A la fois genevois et valaisan – «Mon papa est originaire de Vouvry» –, le quinquagénaire a accepté de participer à un documentaire de David Parel pour montrer les coulisses de son métier très prenant.

Christophe Delavy y apparaît comme le mentor d’une jeune apprentie ambulancière. «Au début, j’étais réticent à l’idée d’être suivi par une caméra en intervention, mais David Parel (ndlr: le réalisateur) est devenu un ami et pouvoir montrer à la population ce qu’on vit vraiment au quotidien m’a finalement bien plu», explique-t-il.

Car un ambulancier ne se résume pas à un brancardier. «C’est bien plus complexe que cela», remarque Christophe Delavy. En plus des situations d’accidents graves, visuellement impressionnants, ou de décès tragiques de patients, il est souvent confronté à des cas de violences domestiques ou de grande solitude. «La détresse morale est lourde. La solitude est de plus en plus présente au sein de la population. Cela me touche beaucoup.»

Débriefer pour tenir le coup

Si, sur le moment, il fait abstraction de ses émotions pour se concentrer sur le patient, l’impact psychologique est non négligeable. Pour se remettre d’interventions difficiles, Christophe Delavy débriefe avec ses collègues, avec la mère de ses enfants et fait du sport. «Courir me vide la tête. C’est vital mentalement, cela va bien au-delà de l’aspect sportif pur.»

Si je devais arrêter un jour, ce serait juste parce que je n’arrive plus à suivre physiquement.

Il a également appris à prendre du recul en se rendant compte de sa chance. «J’ai la santé, une famille, un travail que j’aime. Cela me permet de me réconforter quand je rentre d’une intervention difficile.» A aucun moment, il n’a envisagé d’arrêter, alors que, souvent, les ambulanciers changent d’orientation après 5-6 ans. «Jamais je n’ai éprouvé cette envie pour l’instant», affirme-t-il tout net.

Le quinquagénaire est fier de toujours avoir la flamme, peu importent les années passant. Il se réjouit aussi d’apprendre sans cesse de nouvelles choses par les formations continues. «Il faut savoir se remettre en question. Cela maintient l’envie aussi. Si je devais arrêter un jour, ce serait juste parce que je n’arrive plus à suivre physiquement.»

Besoin de cette adrénaline

Christophe Delavy est si passionné de son métier qu’il s’ennuie des interventions après quelques jours de vacances. «Ça me démange. C’est en moi», sourit-il. Il faut dire que l’homme a un caractère fort, «un caractère de Valaisan», aime-t-il répéter à ses collègues de Genève. Il travaille aujourd’hui essentiellement dans la capitale genevoise, mais a effectué de nombreuses heures en Valais pendant dix ans. «J’avais envie de découvrir le secours à la personne en dehors du milieu urbain.» Il a alors exercé au sein de la compagnie Alpha-Rhône. Et a découvert des patients qui, souvent, serraient longtemps les dents avant de demander de l’aide. «Les Valaisans sont très résistants et mettent du temps avant de nous appeler. C’est très différent de ce qui se passe à Genève.»

Une résistance dont il est imprégné, lui aussi. «Ce sont sans doute mes gènes valaisans», précise-t-il en souriant. Des origines cantonales qui lui ont aussi donné un sens inné du contact. «J’ai d’ailleurs choisi ce métier pour le contact avec les gens. Nous intervenons dans la vie des patients, c’est très particulier.» Ayant eu un grave accident de voiture en 1986, il sait de quoi il parle. «J’ai tellement été impressionné par ce que les secouristes ont fait pour moi que cela m’a donné envie de faire ce métier.» Christophe Delavy a même fait partie de la première volée de la première école romande d’ambulanciers à Genève.

Depuis lors, trente-cinq ans ont passé et le quinquagénaire est toujours aussi passionné. «Oh, je compte bien continuer cette profession jusqu’à ma retraite en tout cas», conclut-il.

Un projet en immersion
Depuis un peu plus de deux ans, le photographe David Parel suit le quotidien des ambulanciers d’une compagnie basée à Genève. Il a déjà effectué plus de 500 nuits à leur côté. Le but de cette expérience est de réaliser un livre-photos, mais David Parel voulait également effectuer un documentaire sur ces femmes et hommes de l’ombre, à l’aide du producteur/réalisateur Jean-Stéphane Bron.
En 2020, David Parel a suivi Mégane, une apprentie ambulancière, et son mentor Christophe Delavy. «Par son parcours hors du commun, Christophe est l’ambulancier qui m’a le plus marqué. Depuis le début de notre rencontre en 2019, je savais que je ferai le film avec lui», explique David Parel.
Le film documentaire «Journal d’une ambulancière» sera rediffusé sur RTS2 le 10 août à 23 h 45. Il sera en replay sur le site de la RTS du 4 août au 10 septembre.

Un ambulancier valaisan dans un film montrant les coulisses de ce métier

Christophe Delavy, originaire de Vouvry, est dans la profession depuis près de 35 ans. Jusqu’à aujourd’hui, il n’a jamais envisagé d’arrêter ce métier qu’il a dans le sang.