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Tant de légèreté(s). La chronique de Frédéric Recrosio

21 juil. 2018, 05:30
Frédéric Recrosio, humoriste.

C’est les vacances, tout ralentit, tout s’adoucit, même les soucis; les choses importantes cèdent la place aux choses sans importance.

C’est sans doute pour cette raison que, sur la plage, on se met à lire des magazines bêtes. Les magazines bêtes, ce sont ceux qui font 100 pages mais qu’on dirait pas (je vous le dis parce que ça vous intéresse).

En général, sur la couverture, y a une femme aux dents blanches qui a les cheveux mouillés – et elle rigole, la tête un peu en arrière, parce que l’eau, c’est rigolo. 

Dedans, y a un reportage sur un vieux pêcheur de perles. Il est tout fripé, et on n'arrive pas à dire si c’est parce qu’il est vieux ou resté trop longtemps dans la flotte. Il porte juste un pagne, et dès qu’il sort de l’eau, il donne des interviews. En le détaillant un peu, t’as la drôle d’impression de l’avoir déjà vu, ce pêcheur de perles. Est-ce que c’est parce qu’il a une tête d’aborigène et que tu confonds les aborigènes parce que tu trouves que tous les aborigènes ont la même tête? Ou est-ce que c’est parce que c’est le même reportage qu’on nous ressort année après année? 

T’es pas sûr. Et puis, tu détailles le vieillard, qui vit accroupi sous une tôle, et tu te dis que ça doit être intéressant de vivre avec rien, mais ça dure pas très longtemps parce qu’après, tu tournes la page, et tu tombes sur une publicité avec des jeunes femmes aux physiques avantageux qui font santé sur un hors-bord, alors tu te dis que ça doit être intéressant d’avoir des jeunes femmes aux physiques avantageux qui font santé sur un hors-bord.

Elles aussi, t’as l’impression de les avoir déjà vues. C’était peut-être quand elles promenaient des chiens pour Tommy Hilfiger, ou alors quand elles faisaient des sports acrobatiques pour Tampax, à moins que ce fût un barbecue pour Bell.

Plus loin, bien sûr, il y a les cinq pages où Stéphane Bern montre sa maison en Grèce. Et y a même une photo où on lui voit un oignon au pied.

Sinon, y a un test aussi, où tu peux «en apprendre davantage sur vous-même», par exemple que «vous n’êtes pas du genre à perdre votre temps». Ce qui est très ironique.

Enfin, il y a une rubrique à connotation sexuelle où, dans l’intitulé, il y a le mot «coquin», parce que ça se fait pas de dire porno. Le plus souvent, ça t’explique comment pimenter ta routine conjugale en baisant sur la plage. C’est très résumé, comme proposition – d’autant que ça parle jamais des grains de sable qui décharnent madame et te rayent le zozio. 

Tant de légèreté(s). Ça en devient presque pesant, et voilà qu’à souper, après t’être largement resservi de crevettes au buffet, tu demandes aux gens de ta table: «On a des nouvelles de Bachar el-Assad?»

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