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SwissCovid-App: aussi lentement que possible, le billet de Philippe Nantermod

Après un temps d’arrêt démocratique, la politique reprend vie un peu partout, surtout à Berne. Nos élus aux Chambres fédérales prennent la plume pour rendre compte de leur travail et donc de vos préoccupations. Loin du perchoir, entre la session extraordinaire qui vient de s’achever et celle qui débute en juin, ils s’installent, un temps, à notre Tribune libre. Un rendez-vous à retrouver le mercredi et le vendredi. Aujourd’hui, le conseiller national Philippe Nantermod (PLR).

29 mai 2020, 05:30
Philippe Nantermod, conseiller national PLR.

Pour ces dernières heures de semi-confinement, je vous recommande de lire local. Friedrich Dürrenmatt et sa pièce la plus helvète, «Hercule et les écuries d’Augias». 

Attention, spoiler. Sur invitation du roi, Hercule, criblé de dettes, vend ses services pour les grands nettoyages de printemps du pays fantaisiste d’Augias. En particulier le récurage du Palais fédéral, rempli de fumier. Arrivé sur place, le héros aux forces surhumaines est auditionné par une commission qui engage la procédure législative nécessaire à l’adoption d’un texte de loi fondant les compétences royales pour lui confier le mandat de prestation de poutzer le pays.

La comédie s’engage alors sur la magie du mécanisme administratif inspiré de notre plus vieille démocratie du monde. Commissions, sous-commissions, messages, rapports, de minorité et de majorité, corapports. Des procédures de consultation en veux-tu, en voilà. Des navettes entre les Chambres. Avec toujours en toile de fond ce discours lénifiant que chacun répète sur l’urgence de tout nettoyer alors que la saleté s’amoncelle au fil des semaines. Le besoin d’agir aussi lentement que nécessaire, dirait-on aujourd’hui. Hercule, pris à la gorge, trouve un travail dans un cirque et finit par s’exiler sans le sou. Les habitants d’Augias sont anéantis et soulagés à la fois. Le système démocratique est sauf, même si tout est toujours aussi sale. 

Dürrenmatt se moque gentiment de la Suisse et de sa peine à se réformer. S’il était vivant, il reconnaîtrait que la crise du coronavirus lui donne tort. Face à l’urgence absolue, la Suisse a eu la capacité d’adopter immédiatement les mesures efficaces, proportionnées et nécessaires. Si nous nous en sortons si bien, même pris en tenailles entre la Lombardie et l’Alsace, deux des régions les plus touchées au monde, c’est aussi grâce à des institutions souples dans les pires situations. Et c’est une prouesse au pays de la consultation éternelle.

Mais il y a toujours une exception. Un cas où la Suisse demeure un peu Augias. Celui de la tant attendue application smartphone contre le Covid-19. Inspirée de modèles asiatiques, on nous en parle depuis mars. Puis promise en avril. Voilà qu’on adopte un projet de base légale en commission, pour entamer une «phase de test» en juin. Avec un peu de chance, la SwissCovid-App sortira avant la disparition du virus. Sinon, on l’utilisera peut-être contre la prochaine grippe espagnole. Si les smartphones le permettent encore. Pour le coup, nos données auront été bien protégées. Notre santé, un peu moins.
 

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