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R.I.P. Charrat, la chronique de Romain Carrupt

27 mars 2018, 20:00
Romain Carrupt, étudiant en droit à l’Université de Neuchâtel.

On ne peut pas dire que je t’ai follement aimée. A vrai dire, je n’ai pas dû te visiter plus de cinq fois en vingt-trois ans. Malgré tout, ta disparition annoncée m’émeut. Au 1er janvier 2021, tu seras un grand quartier de Martigny. Les urnes en ont décidé ainsi le 4 mars dernier. 91,8% des Octoduriens se sont réjouis à l’idée de t’engloutir. Souverainement, tu as choisi, à 88,6%, de disparaître.

Quel autre sort aurais-tu pu réserver à ce «mariage de raison»? Naturellement aucun. Tu t’es rendu compte que tu n’avais plus voix au chapitre, avec tes «seulement» 1700 habitants. En 2018, on ne veut plus des petites entités comme toi. En cinquante ans, cinquante-six communes du canton ont disparu. La loi cantonale sur les communes encourage les fusions et prévoit que l’Etat du Valais mette la main au portemonnaie à cet effet. La rationalisation, c’est l’efficience. Moins de charges, c’est moins d’impôts. Déjà incapable de gérer toi-même l’entier de tes services publics, tu collaborais beaucoup avec la cité voisine. Par manque de candidats, ton Conseil communal a été élu tacitement lors des élections de 2016.

En dépit de tous ces arguments, l’engouement actuel pour les fusions me surprend. Sur le plan économique, les fusions ont objectivement de nombreux avantages. Mais l’être humain ne réfléchit pas qu’en termes utilitaristes. Dans de nombreux domaines, il ne pense pas et n’agit pas seulement en fonction de critères d’efficacité. Sinon pourquoi ne regrouperait-on pas tous les cantons suisses romands? Pourquoi s’inquiète-t-on lorsque des entreprises fusionnent? A ces échelons, les rassemblements n’emballent personne. Est-ce à dire que les identités municipales ne veulent plus rien dire?

Rien n’est moins sûr. Sans être caricaturalement chauvin, le sportif apprécie plus que tout les derbys. Les blagues sur la bourgade d’à côté ont encore de beaux jours devant elles, quand bien même les collectivités collaborent en bonne intelligence. Même les citoyens du monde les plus convaincus apprécient les fêtes de villages. Lorsque deux Valaisans se rencontrent à l’extérieur du canton et que l’un dit habiter Chermignon, l’autre lui parle de Brass Band. De Saxon; d’abricots. De Finhaut; de l’arrivée du tour de France. De Charrat; d’éolienne. De Martigny; de comptoir.

Aussi superficielles qu’elles puissent paraître, ces considérations devraient aussi être mises en balance lorsque l’absorption par une ville d’une commune de taille moyenne est envisagée. Car le processus se révèle irréversible. Il signe la mort d’une commune, la fin d’une histoire. D’autant que si l’actuel Charratain parmi 1700 se sentira moins écouté lorsqu’il sera un Martignerain parmi 20 000, il pourra difficilement organiser un Charratxit.

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