C’est une montagne mythique qui, à elle seule, a quasiment donné naissance au ski et au snowboard freeride. Le Bec des Rosses, ses 3223m d’altitude et sa vertigineuse face nord de 500 mètres de dénivelé donne des sueurs froides à nombre des freeriders qui s’affrontent chaque fin de saison sur ses pentes, flirtant par endroit avec les 50 degrés, à l’occasion du célèbre Xtreme de Verbier.
Voici deux ans, nous nous étions piqués de nous y frotter nous aussi à notre niveau. Comme les coureurs, nous l’avions escaladé par nos propres moyens. Mais ce fut droit dans la pente de cette face nord aussi rocheuse que neigeuse et avec un guide de choix, en la personne de Claude-Alain Gailland, chef-sécurité de la course. « Cette montagne très féminine est à la fois un ventre et une arène de gladiateurs. Plein de choses spirituelles y arrivent et une connexion s’impose entre elle et ceux qui l’aiment. Mais attention, il faut toujours l’aborder avec humilité et respect car elle t’est toujours supérieure », nous avait mis en garde Steve Klassen en vieux briscard. Le quintuple vainqueur de l’épreuve (record inégalé à ce jour) s’y était d’ailleurs fait une jour une fracture ouverte de la hanche.
Une fois dans la face, elle apparait moins raide que depuis le col des Gentianes. La montée est rapide et ludique. On en vient à bout en 1 h 30, skis sur le sac à dos, crampons aux pieds et un sourire scotché sur le visage. Nous sommes très probablement les premiers de la saison à l’escalader ainsi ce qui rend l’expérience plus excitante encore. Le bulletin d’avalanche annonce un risque modéré de 2 sur 5 mais la vigilance est de mise et le DVA en mode émission. Nous nous arrêtons à près de 300 m d’altitude au sommet des Dames, celui des hommes étant inskiable ce jour-là à cause du manque d’enneigement. La vue sur les massifs du Blanc et des Combins achève de nous enchanter.
Place à la descente ! Il existe une bonne trentaine de lignes possibles. Nous choisissons l’une des plus évidentes et des moins engagées. Contrairement aux pros, nous la réalisons avec une prudence de sioux et sections par sections. Elle durera une vingtaine de minutes contre dix fois moins pour les cadors du Freeride World Tour. Contrairement à eux, nous ne sauterons aucune barre rocheuse. La pente impressionne un peu. C’est bel et bien déjà du « ski de pente raide » comme on dit dans le jargon. Par endroit, la chute est interdite car potentiellement rapidement synonyme de grosses blessures voire de mort. Dans ces conditions, le casque, le sac-airbag et les protections dorsales sont de rigueur.
A cause de la topographie particulière de la montagne, on ne voit pas toujours ce qui attend nos skis dix mètres plus bas. C’est assez déstabilisant. Même descendu en mode « pépère », le Bec nous impose donc une vigilance endurante. Une fois en bas, une joie paisible s’installe qui perdurera plusieurs heures. Si l’expérience vous tente, sachez qu’elle prend une petite demi-journée et qu’un guide de montagne peut la faire vivre à deux clients simultanément pour environ 600 francs.
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