Le cinéma documentaire valaisan se porte bien. Et puise dans les utopies d’hier la nourriture pour les rêves de demain. Après «Sapinhaut – une bouffée d'air folk», de Pierre-André Thiébaud, qui fait revivre le Woodstock valaisan du début des années 70, un autre réalisateur du Vieux-Pays a choisi de se faire le passeur d’un regard d’ouverture sur le monde à travers la figure d’Ella Maillart, disparue il y a vingt ans.
«Une précurseure dans l'expédition»
Référence parmi les écrivains voyageurs – aux côtés des Nicolas Bouvier et Annemarie Schwarzenbach, qui fut une compagne d’aventure –, la journaliste et photographe genevoise est «un exemple pour la jeunesse», estime Raphaël Blanc. «C’est une précurseure dans l’expédition. Faire les voyages qu’elle a faits durant la première moitié du 20ème siècle, c’était exceptionnel. Particulièrement pour une femme.» Le réalisateur et producteur ayentôt, à qui l’on doit notamment un film sur Mike Horn, s’est donc intéressé à une aventurière d’un autre genre. Il a vu en Ella Maillart une figure «inspirante dans son désir de liberté» et dans son indépendance.
La vraie vie des nomades
Une réalité qui pour Raphaël Blanc confère au film une actualité forte. «Ella permet de réconcilier les peuples, car dans sa quête de vérité elle parle de paix, de vivre en paix avec les gens. Elle avait vécu la guerre de 1914 à travers ses parents, elle a fui celle de 1939 pour dire qu’elle ne voulait pas de cette Europe-là. Elle partait pour chercher la vraie vie des nomades. Il faudrait aujourd’hui des gens comme elle pour réconcilier un peu les choses…»
Raphaël Blanc, pourtant, connaissait peu Ella Maillart. «Je savais que c’était un personnage incroyable, j’en avais entendu parler comme les gens de mon âge, mais finalement je savais peu de choses sur elle.» Des reportages – peu – avaient été faits. Raphaël Blanc s’est appuyé sur deux d’entre eux, réalisés par la Télévision romande, «pour la rendre vivante» à travers des extraits d’interviews, enregistrés notamment à Chandolin.
Le réalisateur a questionné celles et ceux qui ont côtoyé Ella Maillart – des proches, des personnages de la culture romande, dont l’éditeur et journaliste Bertil Galland ou Daniel Girardin, ancien directeur du Musée de l’Elysée où sont archivés près de 20 000 clichés réalisés par Ella Maillart.
Tournage au Kirghizistan
C’est ce dernier, d’ailleurs, qui tend le fil rouge du récit en se faisant le narrateur de ces «voyages extraordinaires». Des voyages que Raphaël Blanc et Dominique Rappaz, coproducteurs de ce long métrage, ont pris le parti de réactualiser sur le terrain. Avec Daniel Girardin - «cavalier émérite», selon le réalisateur -, ils ont ainsi tourné durant dix jours, à cheval, dans les montagnes du Kirghizistan.
Ils ont refait le cheminement qui a été celui de Maillart dans son livre «Des Monts célestes aux Sables rouges», périple effectué en Asie centrale entre juillet 1932 et janvier 1993. A partir de ce voyage-ci, le documentaire raconte les trois principales aventures de l’écrivaine du voyage: le Kirghizistan, donc, ainsi que la Chine et l’Afghanistan.
Au travers de superbes images, dont certaines réalisées par drone, Raphaël Blanc n’a «pas voulu faire un film total, mais privilégier l’émotion qu’Ella dégage.» Et c’est pleinement réussi.
Dans les salles
«Les voyages extraordinaires d’Ella Maillart»…
… à Sion (Cinésion) les 14, 15 et 16 juin (les 15 et 16 en présence du réalisateur)
… à Martigny (Corso) le 15 juin à 20h30 (en présence du réalisateur)
… à Sierre (Le Bourg) le 19 juin à 20h30 (en présence du réalisateur)
… à Bex ( Grain d’ Sel) le 20 juin à 20h (en présence du réalisateur)