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L’eau coulera bientôt dans les veines de Nant de Drance

C’est la dernière ligne droite pour cette imposante centrale hydroélectrique valaisanne, dont la mise en service complète est prévue à la fin de l’été 2021.

05 nov. 2019, 11:12
Des ouvriers travaillent dans la caverne des vannes à l’intérieur de la centrale de pompage-turbinage de Nant de Drance.

En ce petit matin frisquet d’automne, une légère torpeur enveloppe encore le village du Châtelard, dans la vallée du Trient. Aucun bruit ni agitation n’indique la présence, non loin, du chantier de l’une des plus puissantes centrales de pompage-turbinage d’Europe.

Il faut circuler quelques minutes dans une voiture de chantier, se munir de bottes de sécurité, d’un gilet fluorescent et d’un casque et se retrouver devant la bouche béante du tunnel pour sentir que le moment n’est pas ordinaire. Invitation dans les entrailles de Nant de Drance.

52 mètres de haut

La voiture s’engouffre dans le tunnel percé dans la roche et grimpe d’emblée une pente insensée à 12%, le double du «toboggan» de l’A12 entre Châtel-St-Denis et Vevey… Le véhicule poursuit sa route dans un dédale de galeries qui aboutissent au point névralgique de la centrale: la caverne des machines.

Là aussi, les chiffres donnent le tournis: 52 mètres de haut, 32 mètres de large, 195 mètres de long. Dans cet antre souterrain où s’activent de nombreux ouvriers se trouvent six machines et transformateurs: En bas, la partie mécanique avec une turbine qui fait aussi pompe selon le sens de rotation de l’axe; au-dessus la partie électrique avec stator et rotor, des pièces de plusieurs centaines de tonnes que des ouvriers vérifient et règlent minutieusement, chaussons en plastique jetables aux pieds.

Première mise en eau

La centrale de pompage-turbinage se situe entre le barrage du Vieux-Emosson en amont et celui d’Emosson en aval. Elle utilisera la différence de 300 mètres environ entre ces deux lacs artificiels pour produire une énergie dite de «superpointe».

Concrètement, l’eau arrivera dans les six machines de la caverne depuis le barrage supérieur via deux puits verticaux. Elle sera turbinée aux heures de pointe puis remontera, pompée vers son lieu de départ lorsque la demande en courant sera moins forte.
La première mise en eau est prévue durant ce mois de novembre. Une étape importante qui «se fera sur plusieurs semaines», a indiqué à Keystone-ATS Eric Wuilloud, directeur de Nant de Drance.

L’eau remplira très lentement les deux puits verticaux de 425 mètres et les conduites. Puis, la pression de l’eau actionnera la première turbine. D’innombrables tests, réglages et vérifications rythmeront la vie de la centrale jusqu’à sa mise en service complète prévue à la fin de l’été 2021.

200 villages de 4000 habitants

La puissance de Nant de Drance a été portée en cours de construction de 600 à 900 MW, de quoi «alimenter quelque 200 villages de 4000 habitants», illustre Stéphan Vogel, ingénieur en électromécanique à Nant de Drance. Cette augmentation de la puissance doit permettre une «plus grande flexibilité».

Car la centrale, dont les machines peuvent être arrêtées ou enclenchées en moins de dix minutes, doit couvrir les pics de consommation dans le trafic ferroviaire, mais aussi compenser l’irrégularité de production des éoliennes et des centrales solaires dépendantes des conditions météorologiques. Elle a été conçue pour produire environ 2,5 milliards de kWh par an.


Concession de 80 ans

Dans un monde idéal, Nant de Drance pompera quand la demande et les prix de l’électricité seront bas et turbinera quand ils seront hauts. Plus la différence entre ces deux tarifs sera élevée, plus Nant de Drance sera rentable.

Mais l’actuelle imprévisibilité du marché de l’électricité rend ce scénario idéal improbable à court terme. La situation pourrait s’améliorer si les décisions prises pour le climat, et notamment l’arrêt des centrales nucléaires et la promotion des énergies renouvelables, se concrétisent. Confiant, Eric Wuilloud rappelle qu’il s’agit de raisonner sur 80 ans, durée de la concession octroyée à la société Nant de Drance SA.

Le chantier d’une vie

Eric Wuillloud aura dirigé Nant de Drance dès le début, il y a plus de dix ans. Le chantier d’une vie. «Heureusement que je ne savais pas ce qui m’attendait», sourit-il.

Celui qui prendra sa retraite lorsque la centrale entrera en fonction se remémore les coups durs: cette roche plus friable que prévu et ces pièces de 85 tonnes chacune mal façonnées qu’il a fallu refaire, provoquant retards et hausse des coûts d’un chantier devisé finalement à 2,1 milliards de francs. Mais aussi les nombreuses satisfactions, dont la plus importante: n’avoir perdu aucun homme ni déploré aucun accident grave durant ce chantier hors du commun.
 

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