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Johnny, de l'homme mortel à la star éternelle

Hommage à un chanteur dont la course à la grandeur n'a pas connu d'équivalent dans le monde francophone.

06 déc. 2017, 15:11
Johnny, lors de son concert de Tourbillon à Sion en 2006.

C’est le revers de la déification. S’ils étaient encore doués de parole, les prophètes des religions monothéistes le diraient sans doute. Lorsque l’ombre que l’on projette n’est plus celle d’un homme, lorsque l’adulation des foules transmute la chair et le sang en matières d’essence divine, alors se creuse un gouffre entre la personne et la «persona», entre l’être et le masque social qu’il porte.

Dans ce gouffre beaucoup se sont abîmés très - trop – tôt. Jim Morrison, Kurt Cobain, Jimi Hendrix, Janis Joplin, le fameux club des 27, tous disparus avant la trentaine. Johnny Hallyday aura porté le poids schizophrénique de sa gloire plus longtemps que la plupart des monstres sacrés de son espèce. Plus longtemps que Michael Jackson, que Prince, qu’Elvis aussi. Le King, félin tout en nerfs filmé en noir, blues et blanc sur «Jailhouse Rock» à ses débuts, puis cétacé échoué à Vegas, à la tenue blanche, pailletée dont les coutures criaient grâce. Le King, celui qui dans une salle obscure de Clichy et dans un film quelconque – «Amour frénétique» (1957) - donna au jeune Jean-Philippe Smet des envies d’électricité et un certain sens de l’urgence.

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Une image à présent. Celle d’un passage en live sur Canal+ pour la sortie de l’album «Jamais seul», succès tout relatif dans la discographie du «French King». En petite formule, accompagné par Mathieu Chédid à la guitare et Yodelice à la basse, Johnny avait à ce moment-là vingt ans dans les veines et dans le coeur.

C’était en 2011. C’était simple et sobre. Une parenthèse bleu électrique que lui-même décrivait comme une affaire de musiciens, tournée plus vers leur plaisir que vers celui des gens. Vers Jean-Philippe plutôt que vers Johnny… On était en tout cas très loin des arrivées sur scène hyperboliques, en hélicoptère, au creux d’une main géante articulée ou comme en 1993 pour ses 50 ans lorsqu’il fendit la masse humaine du Stade de France pour atteindre la scène au risque de finir étouffé par la pression de la foule. La foule, justement, Johnny lui a appartenu. Totalement. Jusqu’au bout, il lui a tout donné, refusant d’annuler ses ultimes concerts, parfois contre l’avis des médecins.

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Homme timide et bête de scène, humble et paradoxalement d’une ambition jamais vue en francophonie, parfois mal à l’aise en face d’une seule personne, et pourtant capable de mettre à genoux des stades entiers… Comme cette autre vieille canaille de Gainsbourg avec Gainsbarre, Johnny a vécu écartelé entre deux pôles.

C’est sans doute cette complexité qui a permis à Hallyday de toujours rester debout, face aux moqueries, face aux mauvais choix de carrière (le film «Terminus», parodie involontaire de «Mad Max», le costume zébré et les cheveux longs de 1985…) et enfin face à la maladie. De susciter encore respect et admiration de la part du milieu intellectuel français.

Alors oui, la dualité est le revers de la déification. Aujourd’hui, Jean-Philippe Smet rejoint les rangs des mortels. Mais Johnny Hallyday devient une icône, sur laquelle les années n’auront plus de prise. Et les plus belles parmi le bon millier de chansons qu’il a interprétées durant sa carrière garderont vivant le feu qu'il a allumé en 1958 déjà, sur la scène du Golf-Drouot.

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