Sous leurs habits, les gens sont nus.
Mais nus complètement! Comme dans le jardin d’avant la chute où y avait le serpent (qu’était nu lui aussi!). Et c’est très troublant, la nudité – pour t’en convaincre, essaie de causer du match d’hier avec quelqu’un de nu.
Bon, une fois sur deux, en face de toi, t’as quelqu’un du même sexe, mais c’est vraiment une expression, parce que si tu regardes, le sien est très différent du tien. C’est peut-être pour ça que t’as envie de jeter un œil, pour savoir de quelle traviole il est... Et l’autre fois sur deux? Ben en face de toi, t’as quelqu’un de l’autre sexe – et il est tellement étrange, l’autre sexe, non? T’es obligé de regarder aussi.
Bref, quand t’as quelqu’un à pelos devant toi, ça t’omnubile, et tu peux difficilement faire comme si de rien n’était – c’est pour ça qu’on a inventé les habits (je vous le dis parce que ça vous intéresse). Et voilà, on vit recouverts, afin de pouvoir côtoyer raisonnablement nos semblables: faire la file à la poste, recevoir la visite de l’huissier, écouter le chef donner des ordres, prendre le bus bondé… Imaginez, on serait tout le temps à poil, ce serait impossible!
Mais attention, en été, tout ça se corse un peu: les manches raccourcissent, les décolletés plongent et y a plusse de jambe qui sort. Sans blague, en cette saison, la superficie totale de tissu utilisée dans le monde diminue d’un coup – et ça y est: de la peau dépasse de partout! Et on le sait, la peau, c’est le début du corps! Et le corps, c’est là où sont agencées les babioles de génitalité! Aaah!
Eh bien figurez-vous que c’est pour gérer ce trouble qu’on a inventé les lunettes de soleil (je vous le dis parce que ça vous intéresse). Oui! Simplement pour qu’on puisse feindre que tout est normal et s’écraser dans nos rapports policés, en cachant au monde que dessous les lunettes, on a les yeux fous qui balaient tout ce que les convenances interdisent.
Des questions?