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Anticancéreux périmés: peine aggravée pour une responsable d’Alkopharma en Valais

Le Tribunal cantonal confirme le jugement de première instance dans l’affaire Alkopharma, tout en aggravant la peine pour la responsable logistique de la société.

17 oct. 2018, 10:48
/ Màj. le 17 oct. 2018 à 14:58
Le patron d'Alkopharma et son avocat Christophe Sansonnens à leur arrivée au Tribunal cantonal lors du procès qui s'est tenu à Sion fin septembre.

Le Tribunal cantonal (TC) valaisan a confirmé les condamnations de première instance de deux responsables français de la société Alkopharma de Martigny. Ces derniers avaient mis sur le marché entre 2007 et 2011 un médicament anticancéreux (Thiotepa) dont l’efficacité aurait diminué suite au prolongement illégal de sa date de péremption.

Le TC a estimé qu’il n’y a pas eu de mise en danger de la vie des patients. L’ancien patron écope toujours d’une simple contravention de 5000 francs, alors que la responsable logistique voit tout de même sa peine aggravée et passer de 50 à 120 jours-amendes avec sursis et 6500 francs d’amende.

En première instance déjà, elle avait été reconnue coupable en 2016 par le Tribunal de Martigny de violation de la loi sur les produits thérapeutiques et de la loi sur les entraves techniques au commerce. Elle avait reporté la date de péremption de différents lots au-delà de la date prévue. On lui reproche aussi d’avoir modifié et reproduit des certificats originaux.

Pas de mise en danger?

Le TC est d’accord avec les experts: «la perte du principe actif – quelques pour cent – n’a pas constitué, selon eux, une différence suffisante pour modifier significativement les effets thérapeutiques ou pour provoquer une perte de chance de guérison».

A lire aussi: Procès Alkopharma à Sion: 18 mois de prison avec sursis requis

Les juges valaisans relèvent que Swissmedic (l’Institut suisse des produits thérapeutiques) n’a pas ordonné la saisie et la destruction des lots de Thiotepa, après avoir pris connaissance de l’affaire. Ils ajoutent que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé n’a, pour sa part, pas retiré le Thiotepa du marché français avant l’arrivée d’une solution alternative, estimant qu’il n’y avait pas «de risque avéré pour les malades».

Le TC ajoute qu’aucun effet indésirable n’a été annoncé par les professionnels de la santé qui ont remis le médicament litigieux à leurs patients.

Recours au Tribunal fédéral

Swissmedic, qui avait invoqué la mise en danger de la santé d’autrui et réclamé 18 mois avec sursis pour les accusés, dit «être à l’aise avec le fait d’avoir entrepris cette procédure. Par rapport au jugement, nous sommes satisfaits de l’augmentation de la peine pour l’accusée, mais pas du statu quo concernant l’accusé, ni du fait que le tribunal n’a pas retenu la mise en danger de la santé. Nous ferons par conséquent recours au Tribunal fédéral (TF)», annonce Matthias Stacchetti, responsable de la division pénale.

Pour Me Christophe Sansonnens, avocat du patron, «cette décision du TC conforte dans le sentiment que la démarche de Swissmedic n’était qu’un procédé dilatoire pour retarder ce qui s’avère être un véritable camouflet. Cela illustre toute la disproportion de la démarche de Swissmedic qui aboutit à la disparition d’Alkopharma.»

Me Gaspard Couchepin, avocat de la condamnée, indique: «Ma cliente est satisfaite du jugement. Elle a reconnu les faits et il n’y a eu aucune mise en danger de la vie d’autrui; a fortiori aucune personne décédée des suites de l’utilisation de ce médicament.» Il ajoute que «cette affaire est un gâchis. Swissmedic devrait en tirer les conséquences.»

La loi va changer

La justice valaisanne n’est donc pas sortie du strict cadre juridique qui ne punit que les mises en danger avérées, sans pouvoir tenir compte d’un péril potentiel, loi oblige.

Mais cette affaire n’illustre-t-elle pas précisément un manque de base légale pour punir assez sévèrement de tels manquements? On parle tout de même du traitement de maladies mortelles. Pour Matthias Stacchetti, de Swissmedic, la décision du Parlement fédéral de 2016 de durcir la loi est une réponse en soi. «Dès le 1er janvier 2019, de nouvelles dispositions fédérales feront que la mise en danger potentielle – et non plus seulement concrète – de la santé suffira pour obtenir une condamnation aggravée. Dans tous les cas, nous sommes convaincus qu’un tel résultat doit aussi intervenir dans l’affaire Alkopharma, même avec les dispositions actuelles.»

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