Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Alexandre Jollien a choisi son Valais natal pour lancer sa policlinique philosophique

Après trois ans passés en Corée du Sud, Alexandre Jollien revient en Valais pour un nouveau cycle de conférences. Premier rendez-vous, le jeudi 14 septembre à Sion.

07 sept. 2017, 19:27
/ Màj. le 09 sept. 2017 à 05:30
Alexandre Jollien, écrivain et philosophe fait son retour en terres valaisannes.

Non, il n’est pas déçu. Désillusionné plutôt. Les trois ans qu’il a passés avec sa famille en Corée du Sud pour s’adonner à quasi temps plein à la méditation l’ont fait cheminer, mais pas là où il pensait aller.

« La déception signifie que je n’ai pas reçu ce que je voulais et que je m’en afflige. La désillusion c’est que j’ai essayé de prendre un chemin, qu’il ne m’a pas guidé là où je voulais mais je peux dire youpie! il y a autre chose à essayer ».

Alexandre Jollien ne dézingue pas la méditation, il remarque juste qu’on essaie de la vendre comme un remède miracle alors qu’elle ne guérit pas. «Elle apaise et soulage ». Et c’est déjà beaucoup. 

Socrate et Playmobil

Au milieu de son salon lausannois qui lui sert aussi de bureau, l’écrivain célèbre dans toute la francophonie pour sa philosophie au service du quotidien est tourmenté. Lui qui redonne souvent espoir. Apaise beaucoup. Amène à réfléchir sans dramatiser. Lui, plus sage qu'il n'aime le revendiquer regrette de parfois manquer de légèreté et se remet sans cesse en question.

Sur le canapé vert espoir, il semble tiraillé. Son intellect de philosophe oriente son regard vers les bustes de Platon et Socrate qui montent la garde devant des ouvrages endormis dans une vitrine. Ses tripes de père de famille le questionnent tout autant sur le quotidien et l'avenir, derrière un tas de palymobil qui animent la table basse.

 

Alexandre Jollien reçoit, travaille et vit sa vie de père de famille dans le "polisalon" familial. © Sabine Papilloud

 

Des figurines qui expriment les deux mondes entre lesquels il ne cesse de faire des allers et retours pour les concilier au mieux : le monde des concepts ouateux et la tonitruante réalité. La croix du philosophe qui questionne la vie et qui doit faire avec les réponses parfois inattendues qu’elle lui donne. 

Du coréen au chelou

Alexandre Jollien, son épouse Corine et leurs trois enfants de 12, 11 et six ans sont rentrés en Suisse le 11 août 2016. Ils se sont installés à Lausanne dans un quartier vert qui redonne l’oxygène qui a manqué à Séoul où la smala a vécu dans une tour.

«Là-bas, les appartements sont des clapiers». Retour pas toujours facile malgré tout. Les enfants voulaient rester au pays du matin calme, mais se sont finalement bien accommodés à leur nouvelle vie lausannoise. «Ils parlent coréen et entretiennent la langue via la télévision. Mais ils ont oublié l’argot d’ici. L’autre jour, ils m’ont demandé ce que voulait dire chelou», s'amuse le Valaisan. 

Pour Alexandre le retour est aussi une aventure. « J’avais peur de retourner à la case départ. Et puis l’idée c’était de mettre en pratique ce que j’ai pu apprendre là-bas ». Repu de zen et de méditation, il lui a fallu être à nouveau affamé de l'autre philosophie.  «Juste avant de renter, j’ai participé à une retraite de presque trois mois. C’était extrêmement exigeant et austère. J’étais coupé des miens. Ca a été trop dur, je n’ai pas pu rester jusqu’au bout».

Danser sur les passions tristes

S’il continue à méditer quotidiennement, Alexandre Jollien a depuis redécentré son regard qu’il avant tant focalisé en introspection ces dernières années. Il est retourné aux livres, aux autres, au dialogue. Et du coup ça a fait tilt.

«Une copine est venue nous aider à emménager. Au milieu des cartons, elle a tout d’un coup lancé : c’est le bordel, mais c’est pas grave ». La transition est toute faite. «Avant la Corée, je croyais que la méditation éliminait les problèmes. Qu’il fallait mettre les passions tristes de côté pour guérir. Après la Corée, je pense qu’on peut donner un sens au désordre. Il donne de la liberté aux chemins que peut prendre la vie. Il faut transformer ces passions tristes en une sorte de plancher de bal sur lequel on danse ». 

Clinique et pharmacopée

Au printemps, il a donné une série de conférences au CHUV de Lausanne. Le lieu lui inspire l’idée de la policlinique philosophique. La maison de soins qui accueille tout le monde. Qui aide tout le monde. Avec ce concept accolé à celui de pharmacopée,  Alexandre Jollien donne des outils pour soigner. Des outils au service de tous. Des textes, mots des philosophes ou des maîtres zen qui aident au quotidien. «Une sorte de laboratoire existentiel où je livre quelques réflexions sur les hauts et les bas de l’existence». 

Alexandre Jollien fera son grand retour en Valais, la semaine prochaine. C’est là qu’il a choisi d’amener en primeur son armoire de pensées qui font du bien. Parce que le Valais demeure son berceau. Un berceau qui reste une blessure puisque le philosophe y a été durant dix-sept ans « séquestré » dans une institution pour personnes handicapées.

On sent la plaie encore vive, malgré les années passées à lui donner un sens. Dans ses conférences et dans un bouquin en cours d’écriture, Alexandre Jollien veut donner des clés de guérison. Aux autres. A lui?  Il revient pour ce faire sur un concept qu’il connaissait mais qu’il vient de faire sien, celui de la grande santé de Nietzsche.

 

L'écrivain philiosphe ne propose plus de laisser les difficultés au bord du chemin pour avancer, mais d'en faire un socle pour s'en jouer. © Sabine Papilloud

 

« Avec lui, on comprend que la notion de bonne santé peut mettre pas mal de gens sur la touche. Tous, nous n’avons pas la chance d’être en pleine forme, tous peu ou prou, nous traînons derrière nous quelques casseroles, des blessures, des traumatismes. Etre en grande santé, c’est s’inscrire dans une dynamique intérieure, un équilibre sans cesse à réinventer. Dès lors, la santé n’est pas le contraire du handicap, de la maladie. Etre en grande santé, c’est tirer profit même des obstacles pour grandir », explique-t-il.

Prose et pose

Alexandre Jollien se réjouit. De retrouver le Valais "qui est tellement beau". Les Valaisans surtout et son public en général. Car pour le philosophe, c'est de la rencontre et des questionnements qu'elle soulève que se peaufine la fine logique de ses concepts et théories.

C'est le spontané qui lui parle, alors qu'il sait pourtant tellement bien capter l'attention par son écriture. "Un exercice difficile, l'écriture. J'ai l'impression de prendre la pose pour une photo en écrivant. Et puis, j'ai peur de tourner en rond après une centaine de pages". Et une théorie philosophique sur trois pages, ça ne la fait pas? "Marx disait qu'il n'avait pas assez de temps pour écrire des livres plus courts", répond Alexandre Jollien.

Décidément. Assurément. Comme toujours. Les mots sont justes. Pas un n'est inutile. Pas un ne déçoit, ni ne désillusione. 

>> A lire aussi: histoire d'un best-seller avec Alexandre Jollien et Matthieu Ricard et Christophe André

Votre publicité ici avec IMPACT_medias