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Espionnage: coresponsabilité des autorités suisses dans les activités de Crypto

Certains services suisses savaient depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière la société Crypto AG et ont collaboré avec eux pour collecter des informations sur certains pays, selon une enquête dévoilée ce mardi.

10 nov. 2020, 15:47
La délégation des commissions de gestion du Parlement, présidée par Alfred Heer (UDC/ZH) - au premier plan - a enquêté durant neuf mois sur l'affaire Crypto.

La Suisse a bénéficié de l’opération d’espionnage de la CIA avec la société Crypto AG. Le Conseil fédéral porte une part de responsabilité dans les activités de l’entreprise. La délégation des commissions de gestion du Parlement a livré mardi ses conclusions.

L’enquête parlementaire montre que le Service de renseignement stratégique, l’organisation qui a précédé le Service de renseignement de la Confédération (SRC), savait depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière la société Crypto AG. Les renseignements helvétiques ont ensuite collaboré avec leurs homologues étrangers pour collecter des informations sur l’étranger par le biais de cette entreprise basée en Suisse.

Faits dissimulés au Conseil fédéral

Cette collaboration était en principe conforme à la loi, mais elle avait aussi une portée politique. Pourtant, ni la ministre de la défense Viola Amherd, ni aucun de ses prédécesseurs, n'ont été informé avant 2019. Les autorités politiques auraient dû être informées plus tôt, c'était de leur responsabilité, a estimé Philippe Bauer (PLR/NE), membre de la délégation.

 

 

La délégation des commissions de gestion du Parlement a repris fin février la direction de l’enquête des mains du Conseil fédéral. En neuf mois, elle a interrogé entre autres cinq conseillers fédéraux et trois anciens ministres, a expliqué le président de la délégation Alfred Heer (UDC/ZH) mardi devant la presse.

Douze recommandations

La délégation, qui a repris l’enquête en février, fait douze recommandations. Destinée en majeure partie au Département fédéral de la défense (DDPS), elles vont des conditions pour informer rapidement les autorités à l’archivage des documents relevant du renseignement ou des dossiers des anciens ministres de la défense, en passant par l’acquisition des instruments de cryptage par l’armée.

Les révélations autour de la société Crytpo ont fait scandale mi-février. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) auraient, durant des dizaines d’années, intercepté des milliers de documents via les appareils de chiffrement de l’entreprise Crypto. Grâce à des appareils truqués, la CIA et le BND ont écouté les conversations de plus de 100 Etats étrangers.

Ecoutes américaines jusqu’en 2018 au moins

Les deux services de renseignement ont acheté l’entreprise zougoise à parts égales en 1970, en passant par une fondation du Liechtenstein. Le BND a quitté l’opération en 1993. Mais les Etats-Unis ont prolongé les écoutes jusqu’en 2018 au moins, selon des recherches conjointes de l’émission de la SRF Rundschau, de ZDF et du Washington Post.

A lire aussi : Affaire Crypto: le MPC peut lancer une procédure pénale visant la société zougoise

Cet été, le Conseil fédéral a autorisé le Ministère public de la Confédération (MPC) à mener une procédure pénale qui ne concerne pas les activités d’espionnage. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) a déposé plainte contre inconnu pour des manipulations dans la vente de dispositifs de cryptage. Une procédure également épinglée par la délégation dans son rapport.

Le Parlement a quant à lui refusé de mettre sur pied une commission d’enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur l’affaire comme l’auraient souhaité les socialistes et les Verts.

Publication intégrale

Le rapport d’inspection de la délégation sera publié intégralement, pour faire autant que possible la transparence sur cette affaire, indique la délégation. Celui rédigé par l’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer, qui traite des activités de Crypto et des services de renseignement impliqué, ne sera pas publié. Classifié secret, il contient des informations qui pourraient nuire aux intérêts de la Suisse.

Le Conseil fédéral a maintenant jusqu’au 1er juin 2021 pour se prononcer et réagir aux recommandations que contient le rapport.

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