Dans une salle de classe, deux enfants se rejoignent au milieu de la pièce, dans une zone délimitée par du ruban adhésif. "Je me bats avec toi et je te respecte" se disent-ils mutuellement, avant de commencer à lutter, pendant que les autres élèves, assis autour d'eux, les regardent, fascinés.
Cette scène paraît improbable et pourtant, elle se déroule quotidiennement dans une classe de deuxième année d'une école zurichoise, la "Schule am Wasser". Depuis quelques années déjà, Marion Wagner, une professeure, invite ses élèves à participer à des combats ludiques en pleine classe, notamment lorsqu'ils ont besoin d'exercice. "J'ai remarqué que les enfants étaient souvent agressifs les uns envers les autres pendant les récréations", raconte-t-elle au quotidien 20 Minuten, expliquant que les combats en classe, destinés à canaliser cette énergie et dénués de tout conflit sous-jacent, permettaient d'apprendre le respect des règles et celui d'autrui.
Les filles aussi
La maîtresse assure que sa classe était à l'origine difficile et qu'au fils des mois, les élèves ont tous évolué de manière positive. Une amélioration constatée également pas ses collègues et que Marion Wagner attribue aux combats, auxquels les filles aiment aussi prendre part. "L'idée que seuls les garçons aiment se battre est un cliché." L'école a également eu des échos positifs de la part des parents.
Spécialiste de la violence chez les jeunes, Allan Guggenbühl, psychologue, voit un grand potentiel dans ces jeux de lutte entre élèves. "Aujourd'hui, les enfants n'ont pas l'occasion de s'affronter librement parce que les parents interviennent immédiatement", explique-t-il. Leur donner le temps de mesurer leur force leur permettrait d'apprendre à gérer leur agressivité et de connaître leurs limites. "S'ils ne peuvent pas avoir de telles expériences, les querelles peuvent violemment dégénérer... Ils apprennent par exemple que griffer, cracher ou tirer les cheveux ne sont pas des solutions".
"C'est triste"
Selon 20 Minuten, ces combats ludiques font partie intégrante du Plan d'études 21, qui sera effectif dès la prochaine rentrée dans les écoles alémaniques. Et pour cause: ils aident à aborder la gestion des émotions, à améliorer la résolution des conflits et à introduire la notion de fair-play. Les élèves ne sont cependant pas obligés d'y participer et l'accord des parents est indispensable.
Si ces combats sont bien acceptés par certains, ils ont bien sûr aussi leurs détracteurs, à l'exemple de Nadja Pieren, conseillère nationale en charge de l'éducation. "C'est triste. Notre société est tombée très bas." Selon la politicienne, c'est aux parents d'enseigner à leurs enfants l'intercation sociale et le respect mutuel. "Et si les enfants veulent se battre les uns contre les autres, ils n'ont pas à le faire en compagnie d'un enseignant. S'il reste du temps à la fin d'un cours, les professeurs devraient l'utiliser pour dispenser le programme scolaire, là aussi de manière ludique."