Steve Morabito, cycliste professionnel à la Française des Jeux
"Il faut savoir si le produit a été pris pour tricher ou se soigner"
«C’est un nouveau coup dans la fourmilière. Ce que je sais, c’est que le salbutamol sert à lutter contre l’asthme et que beaucoup de cyclistes y ont recours. C’est une substance qui semble assez bénigne. Il faudra désormais voir ce qui a été fait, comment ça a été utilisé , comment vont se positionner son équipe et l’UCI dans le cas que vous citez. Là, l’UCI a attendu l’échantillon B pour déclarer l’affaire. Ça me semble donc quand même assez important. La question qu’on doit maintenant se poser, c’est de savoir si on est dans de la tricherie ou pas. Je suis assez dubitatif à ce propos. On ne parle pas là d’EPO ni d’hormones de croissance. Je ne sais pas si on va beaucoup plus vite à vélo si on prend comme je l’ai lu dans les journaux, seize ou vingt bouffées de ventolin.
Si on pouvait grimper aux murs ou aux arbres avec ça, ça se saurait. Jamais je ne me permettrais de dire que cette affaire est exagérée - je n’ai d’ailleurs pas assez d’informations pour me positionner- mais c’est une grande histoire qu’il ne faut pas prendre à la légère. Il faudra déterminer très rapidement s’il y a eu tricherie ou si c’est du zèle au niveau du contrôle antidopage. Il me semble pas que le salbutamol soit dans la liste des produits interdits. Les dosages par contre le sont.
Il faut vraiment savoir si le produit a été pris pour tricher ou pour se soigner et qui n’aurait pas été très bien dosé. Je pense que nous sommes beaucoup de cyclistes à avoir de l’asthme parce qu’on a les bronches mouillées en descendant des cols à zéro degré. Je connais beaucoup de personnes de mon entourage qui ont du ventolin. Il me semble qu’Alessandro Petacchi avait également écopé de quelques mois de suspension et qui avait été acquitté pour avoir pris cette même substance.»
Georgy Debons, responsable technique du Cyclophile sédunois
«Ils sont toujours à la limite du hors-jeu»
"C’est un coup de massue même si on sait très bien de quelle manière tournent les Sky depuis quelques années. Je pense qu’ils sont toujours à la limite au niveau de la recherche. Ils ont des moyens, de très grands moyens, pour réaliser des choses que les autres équipes ne peuvent pas faire. On ne parle pas du doping du pauvre là…
Ça ne m’étonnerait pas de découvrir de nouvelles affaires concernant d’autres coureurs d’ici quelque temps. Quand on voit tourner les Sky, surtout au contre-la-montre et qu’on remarque une telle homogénéité, on est en droit de se poser des questions. Ils sont entourés de médecins qui les poussent toujours à la limite du hors-jeu. Ça me fait penser à Lance Armstrong, lorsque les coéquipiers étaient tous presque aussi forts que leur leader…
Lorsque ces mêmes cyclistes changeaient d’équipe, ils étaient tout de suite moins performants. Cela porte quand même préjudice aux équipes propres qui jouent le jeu et qui sont prétéritées. Les retombées de cette nouvelle affaire vont faire mal à l’image du cyclisme. Froome et son équipe pensaient avoir un coup d’avance mais ont été rattrapés par l’UCI. Nous, ce qu’on aimerait, surtout quand on s’occupe des jeunes, c’est que ces gens montrent l’exemple. Aujourd’hui, les gens se disent que les cyclistes sont tous dopés. Or on ne peut pas généraliser. On peut encore gagner des étapes en étant propre. Quand Johann Tschopp a remporté une étape du Giro, il a souffert. Le lendemain, il n’a pas pu reproduire la même chose. La voilà, la réalité de quelqu’un qui fonctionne à l’eau claire."