Il se remarque, de loin, avec son ombrelle qui le protège du soleil et sa chemise parfaitement repassée. Il salue tout le monde, échange quelques mots, d’une voix grave, basse et bienveillante. C’est une figure, celle d’un poète pour qui les mots apportent un peu de douceur dans cette fourmilière d’horreur. Viols, trafics, meurtres, enlèvements. Il a tout vu, tout entendu. Les histoires des siens le hantent encore. «J’ai le cœur brisé», confie-t-il, le regard abattu.
Mayyu Ali a vu le jour à Maungdaw, dans l’Arakan, en 1991, «l’année où Aung San Suu Kyi a remporté le prix Nobel de la paix», comme il le rappelle à chaque fois qu’il doit donner sa date de naissance. Il y voit une étrange ironie. «C’était l’icône de mon enfance, elle portait nos espoirs. On se disait tous que si elle était élue, alors nous retrouverions nos droits. Aujourd’hui, elle refuse de...