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Livre: un pinceau et de l'abricotine pour croquer les 4000

Laurent Willenegger a croqué les 48 plus hauts sommets du pays, les pieds dans la neige. A la clé: un bel ouvrage combinant harmonieusement art et science, et qui magnifie indirectement le Valais.

19 mai 2020, 19:00
Laurent Willenegger trempe son pinceau dans de l'eau aditionnée de...vodka pour éviter le gel.

Le froid, le grésil, les bourrasques… Autant de pigments pour l’aquarelliste du grand air, Laurent Willenegger. Au confort de l’atelier, l’Yverdonnois a toujours préféré la piqûre de la nature. Habitué à croquer les oiseaux en ornithologue passionné, il a immortalisé cette fois de son pinceau les hautes cimes, in situ, les pieds dans la neige, les cheveux au vent.

Entre 2018 et janvier 2020, deux ans et demi d’aspiration vers les 4000 de nos Alpes (encore) auréolés de leurs glaciers. «Un jour, j’ai pris une carte de la Suisse, j’ai dressé une liste, tracé des points. Et c’était parti!»

Varier les perspectives

Sac à dos, habits chauds, couleurs et pinceaux sous le bras, le quadragénaire arpente les fonds de vallées valaisannes, bernoises et grisonnes, en toute saison. «L’idée, c’était vraiment de chercher la variété, y compris des points de vue. Il m’est arrivé de peindre le massif du Grand Combin au téléscope depuis les crêtes du Jura», raconte le naturaliste qui a notamment collaboré au journal «La Salamandre».

 

Le massif des Combins vu du Lavaux. ©Laurent Willenegger

 

Dans sa besace: quelque 200 aquarelles des 48 géants suisses dont de nombreux culminent en Valais. Des faces emblématiques comme le Cervin, le Zinalrothorn ou la Dent Blanche tantôt parées de leurs atours hivernaux tantôt dépouillées, la glace à vif. Et d’autres sommets moins connus à l’instar du Grünhorn aux confins du glacier d’Aletsch, mis tristement en lumière en 2015 lors du décès du célèbre alpiniste Erhard Lorétan.

Des pics magnétiques

«Je ne voulais pas trop m’attarder sur ces montagnes totem presque devenues kitsch à force de les représenter. Mais elles exercent un tel magnétisme qu’on ne peut pas en être blasé», confie l’illustrateur qui, enfant, a passé des étés à l’ombre du Weisshorn, ses parents gardant le refuge d’Arpitettaz dans le val d’Anniviers.

 

 

Le Zinalrothorn vu de Mayoux. ©Laurent Willenegger

 

S’il a gravi quelques sommets, Laurent Willenegger n’a pas souvent joué les alpinistes, prenant le parti d’exploiter les moyens de transport à disposition, dont les remontées mécaniques. Une manière d’appréhender aussi l’économie touristique propre à chaque région. Et de partager quelques fois l’aventure en famille.

En peignant en extérieur, les conditions météo pénètrent dans la peinture.

Des sensations au bout du crayon

L’exploit sportif n’en reste pas moins de taille avec de longues marches d’approche et des heures à patienter que la montagne veuille bien se dévoiler. «La plupart du temps, il faisait beau. Mais parfois la nébulosité était tenace et il fallait remballer tout le matériel. La meilleure perspective, c’était souvent après la pluie, quand le sommet déchirait soudainement les nuages.»

Des atmosphères flottantes qui ravissent l’aquarelliste peignant jamais mieux que sur le terrain. «Je ne cherche pas à réaliser le tableau ultime de chaque sommet, ça m’ennuierait. Je veux que les gens ressentent une atmosphère, le plaisir personnel que j’ai éprouvé en prenant mon crayon.»

 

La face est de la Dent Blanche vue du Trockener Steg, Zermatt. ©Laurent Willenegger  

 

De l’abricotine dans l’eau

Un crayon et des pigments qu’il a fallu préserver face à des conditions météo un brin capricieuses. «Parfois, je faisais de l’aquarelle de guerre. C’est comme si je peignais avec des gants de boxe!» Sa parade pour éviter que l’eau ne gèle: de la vodka, et même de l’abricotine, «100% AOC valaisan», plaisante l’artiste bourlingueur toujours en quête d' «un exotisme de la proximité».

Un ancrage local qui se traduit jusque dans l’impression de ce «pavé» de deux kilos réalisée en Suisse. «C’est une fierté d’avoir pu le faire même si c’est forcément plus cher», explique le féru de nature. 1500 exemplaires seulement de «Face aux 4000» ont été tirés, ce qui en fait un objet rare.

D’autant plus qu’il s’enrichit d’un regard scientifique, celui du géologue et volcanologue Thierry Basset. Le spécialiste y amène sa connaissance des roches, une couche sédimentaire qui donne encore plus de profondeur à ce beau livre, fascinant à bien des égards.

 

 

«Face aux 4000» de Laurent Willenegger et Thierry Basset, 360 pages. Prix: 89 francs. En vente sur www.wildsideproductions.ch et sur www.thierrybasset.ch 

 

Une exposition à Orsières

La sortie du livre s’accompagne d’un accrochage visible depuis le 11 mai et jusqu’à l’automne au café-restaurant Le Quai de l’Ours à Orsières. Laurent Willenegger a sélectionné 35 aquarelles dans un premier temps, puis il opérera un tournus régulier entre ses œuvres afin de renouveler le regard. «C’est un peu le camp de base du projet. D’autres événements devraient être organisés durant l’été autour de l’exposition, dans le respect des mesures sanitaires.» L’illustrateur vaudois croise les doigts. Ouverture 7 jours sur 7, de 7 heures à 22 heures.
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