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La danse à l'épreuve du jeune public à Monthey

Huit chorégraphes suisses ont participé cette semaine à Monthey à un laboratoire pour la création jeune public. Ils ont pu soumettre leurs ébauches à des élèves lors d’un test grandeur nature. Immersion.

13 janv. 2019, 15:30
Le duo bâlois Rebecca Weingartner / Benjamin Lindh Medin dans leur chorégraphie très dansée.

Le duo de chorégraphes empile savamment des chaises pour ériger une pyramide. Mais l’édifice en équilibre précaire finit par s’effondrer. Rires sonores dans la salle. On est dans l’Hôtel de la Gare à Monthey, transformé pour l’occasion en salle de répétition. Réseau Danse Suisse a choisi le Valais pour cadre de son deuxième laboratoire chorégraphique de création jeune public. «C’est un peu notre région chérie. Ici, il y a tout à disposition», sourit Raphaëlle Renken, chargée de projets Médiation au sein de l’association nationale créée en 2006.

Le jeune public, ce sont en l’occurrence dix-sept élèves 8H de l’école des Genêts à Monthey. Ils sont les premiers à découvrir les chorégraphies imaginées par les quatre duos sélectionnés pour l’atelier valaisan. Assis en tailleur, en tenue de sport, ils sont tout ouïe et tout yeux. Pour la plupart, la danse contemporaine est une réelle découverte. «Pourquoi vous n’avez pas dansé?», «vous arrivez à faire le grand écart?» C’est l’heure du débriefing pour Mélanie Gobet et Ilmārs Šterns, le premier duo à s’être soumis à la sagacité juvénile.

 

Mélanie Gobet et et Ilmārs Šterns sous l’oeil sagace des élèves 8H de l’école des Genêts à Monthey. ©HELOÏSE MARET

Ils avaient listé leurs questions, mais ils sont vite submergés par les propres interrogations des enfants. «C’est cette fraîcheur et cette spontanéité que j’aime», confesse en aparté Mélanie Gobet. La Fribourgeoise de 30 ans, issue de la Haute école des arts de Berne (HKB), est enthousiaste à l’idée de créer pour le jeune public «qui n’est pas un sous-public comme on a encore un peu tendance à le considérer en Suisse».

Un public exigeant

Mais les mentalités évoluent pas à pas. C’est la conviction d’Erik Kaiel, responsable du laboratoire dont la première partie s’est déroulée mi-novembre à la Zeughaus Kultur à Brigue  Le chorégraphe néerlandais, spécialiste du jeune public, analyse. «L’honnêteté des enfants, le fait qu’ils n’ont pas de filtre, c’est ce qui peut effrayer les artistes et brider leur créativité. Avec les plus jeunes, il faut être bon dès le début. Si on ne capte pas l’attention immédiatement, c’est raté. On n’a vraiment pas droit à l’erreur.»

 

 

En mimant tout un bestiaire avec force réalisme, Rebecca Weingartner et Benjamin Lindh Medin ont réussi leur entrée en matière. Sourires en coin, filles et garçons s’échangent des regards complices sous l’œil de leur maîtresse. Il faut dire que le binôme bâlois mise à fond sur l’interaction et visiblement, ça plaît. A l’heure des questions, chacun raconte l’histoire qu’il a cru lire dans les mouvements des danseurs. Et l’imagination est foisonnante, avec même des allusions décelées à l’actualité des «gilets jaunes»! «J’ai pensé à un moment que vous disiez «Macron démission», pouffe une jeune fille.

 

Benjamin Lindh Medin et Rebecca Weingartner ont captivé leur audience avec leurs mimes très réalistes. ©HELOÏSE MARET

Ne pas être ennuyeux: les Bâlois ont satisfait au premier axiome de tout bon spectacle qui se respecte. S’ils n’en sont qu’aux prémices, on pourrait bien in fine découvrir leur création dans une salle comme celle de la Bavette à Monthey, «labellisée» jeune public depuis 1998. «On a pris ce virage et il s’est avéré payant», commente sa responsable Catherine Breu, partenaire de l’atelier qu’elle suit d’un œil averti.

Simple mais pas simpliste

Les lieux de création et de production dédiés aux plus jeunes ne sont pas légion en Suisse. Encore moins quand il s’agit de danse. Pourtant, un marché existe en Europe, particulièrement en Belgique et en France. Faudrait-il songer dès lors à créer un label «jeune public»? Erik Kaiel n’y est pas favorable. «On risque d’enfermer les gens dans des cases. Les étiquettes, c’est forcément réducteur.» Autre piège à éviter aux yeux du chorégraphe qui a travaillé dix ans à New York: l’infantilisation. «On doit faire confiance aux capacités d’abstraction et d’interprétation des plus jeunes, qui sont juste phénoménales», souligne celui dont la pièce «Tetris» créée en 2011 a été un succès mondial.

Ce n’est pas Natacha Garcin et Elisa Barbosa qui le contrediront, elles qui ont basé leur chorégraphie sur le flottement d’une grande toile plastique. En référence à une expédition polaire au Groenland. Vent froid, tempête dans une forêt, déferlante… Les élèves ont livré leurs impressions brutes, de quoi déstabiliser un peu. «C’est clair que le baromètre est intransigeant, mais c’est ce qui est intéressant», confient les deux Vaudoises, médiatrices culturelles à la ville. «Si on n’est pas sincère, les jeunes le ressentent immédiatement.»

Elisa Barbosa et Natacha Garcin dans leur chorégraphie faisant écho à une expédition au Groenland. © Réseau Danse Suisse

De ce laboratoire grandeur nature, elles tireront «une grammaire», «des outils» qui les aideront à finaliser leur projet encore embryonnaire. «Avoir un regard extérieur, c’est salutaire, on peut aller de l’avant», confient-elles en remerciant chaque enfant d’une poignée de main à l’heure des adieux. «Les plus jeunes ont juste des lunettes différentes. On peut parler de tout avec eux, tout dépend de la manière dont on le fait». Difficile de trouver meilleure morale à cette expérience XXL que la formule de Natacha.

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