Il semble un peu désorienté. Lui qui, d’habitude, ne voit que quelques promeneurs ou photographes aux abords de son territoire en cette saison de l’année, est aujourd’hui la vedette principale d’un digne film d’action. Pas moins de cinq personnes sont à son chevet. Ou du moins essaient de l’être, car attraper un cygne, blessé qui plus est, n’est pas si facile. «Je m’attends à une opération délicate», pense le garde-faune du Bas-Valais Philippe Dubois en arrivant sur le terrain. Pour ne rien arranger, une forte pluie et le brouillard se sont invités à cette intervention peu commune.

La mission en question consiste à retirer une flèche plantée dans le corps d’un jeune cygne qu’un individu mal intentionné a tirée il y a quelques jours. Mais si pour l’animal tout rentrera bientôt dans l’ordre, le garde-faune ne compte pas en rester là. Il va porter plainte contre X pour atteinte à la faune. «L’usage d’arc est interdit. La chasse à l’étang des Mangettes est interdite. Il y a clairement infraction à la loi sur la chasse.» En attendant de retrouver la personne qui a joué aux mauvais archers et qui risque, pour cet acte de cruauté, jusqu’à un an de peine privative de liberté, sur place, la mission s’annonce complexe…

20 centimètres enfoncés dans sa chair

©Philippe Dubois

L’acte est écœurant et la photo donne la nausée. «Comment peut-on tirer sur un cygne!?» Le garde-faune Philippe Dubois n’en revient toujours pas. L’oiseau a été découvert par une passante mardi après-midi. «Je pense que cela venait de se produire car le cygne semblait affolé», raconte-t-elle. «Il tournait sans cesse en faisant des cercles sur l’eau, le bec ouvert, et se débattait.» L’animal est touché au flanc par une flèche alors qu’il se trouve dans l’étang des Mangettes à Monthey, dans une zone protégée.

Un photographe animalier, présent sur les lieux à ce moment-là, contacte alors le garde-faune qui se rend sur place. «Je l’ai trouvé assez rapidement, caché dans les roseaux.» Philippe Dubois l’observe tout d’abord longuement. «Malgré cette flèche qui le transperce sous l’aile, l’oiseau semblait en forme. Par chance, aucun organe vital n’avait semble-t-il été touché.»

Des promeneurs apportent au garde-faune une seconde flèche identique à celle plantée dans le cygne et trouvée au bord de la rive. «Après un rapide calcul, près de 20 centimètres sont enfoncés dans sa chair.» L’animal, un jeune mâle adulte, essaie, lui aussi, de retirer cette aiguille de son flanc en la piquant avec son bec à plusieurs reprises. Philippe Dubois sait qu’il doit agir vite pour sauver l’animal emblématique des plans d’eau suisses. «Pouvait-il se nourrir correctement? Je ne le pense pas.»

Le sauvetage en vidéo

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Des unités spéciales d’intervention

©Héloïse Maret

Après avoir essayé par ses propres moyens d’attraper le cygne blessé, le garde-faune doit se résoudre à faire appel à la police pour obtenir une embarcation. «Même en l’approchant avec douceur, il se réfugiait toujours au milieu de l’étang.» Deux policiers cantonaux des unités spéciales lui ont alors prêté main-forte. Leur bateau, utilisé principalement lors d’interventions sur le Rhône, a été transporté depuis le port du Bouveret. Durant la manœuvre, celui-ci a notamment dû briser la glace formée sur une partie de l’étang pour s’approcher au plus près de l’animal.

«Il est plus vigousse que ce que je pensais!»

Muni de sa filoche, le garde-faune se tient prêt à l’avant du bateau. L’équipe d’intervention essaie d’encercler l’animal dans un coin de l’étang, mais celui-ci est rapide. «Malgré cette flèche, il n’est pas du tout affaibli, bien au contraire», remarque Philippe Dubois qui manque de peu de l’attraper à plusieurs reprises. Après une dizaine de minutes, l’oiseau se réfugie dans un chenal du plan d’eau. La manœuvre est délicate: de la glace et des morceaux d’arbre ferment le passage. Mais les policiers sont expérimentés et avec leur bateau, ils arrivent malgré tout à suivre le volatile. Ce dernier est finalement stoppé malgré lui: la flèche, prise dans les ronces, le retient désormais.

Le soulagement

©Héloïse Maret

«J’ai saisi la flèche, l’ai pivotée un peu et elle est sortie presque toute seule.» Après avoir attrapé l’oiseau «comme un bébé», décrit Philippe Dubois, il l’enveloppe dans une couverture pour lui bloquer les ailes et lui pose son propre bonnet sur la tête afin de se protéger de possibles coups de becs. «Mais il est resté assez tranquille», assure-t-il. La flèche sortie, et après n’avoir constaté aucune trace de sang, le volatile est relâché dans l’eau. «Il nous a mis 250 mètres d’avance en quelques secondes. J’ai vu que tout allait bien pour lui. Heureusement!» L’oiseau sera encore observé sur le site montheysan durant quelques jours afin de s’assurer de sa survie.

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