Pour Joël Fournier, chef du Service de l’énergie et des forces hydrauliques valaisan, les jeunes qui s’intéressent aux filières du bâtiment ont une réelle carte à jouer en matière de durabilité. Des rôles clés qui doivent permettre d’assurer les impératifs techniques mais aussi et surtout d’agir en tant que conseillers et experts. Interview.
Beaucoup d’idées reçues viennent à l’esprit lorsque l’on évoque la durabilité. Comment la définiriez-vous dans le cadre de la construction?
Joël Fournier Dans l’état actuel du parc immobilier, il s’agit de réduire la consommation d’énergie — fossile en particulier — du parc bâti. Et cela de manière inclusive. Bien que de nombreuses mesures soient rentables, il n’est pas aisé pour tous d’investir. Dès lors, il faut prendre en compte les situations particulières en envisageant des dérogations à des exigences légales et soutenir financièrement les investissements pour que leur rentabilité soit améliorée.
Où en est-on dans cette transition par rapport à l’objectif que le Valais s’est fixé pour 2060, soit celui d’un parc bâti entièrement alimenté par des énergies renouvelables?
En nous basant sur le rythme actuel, nous en sommes très loin. Si l’on considère le remplacement des chaudières à mazout ou à gaz par des installations utilisant des énergies renouvelables telles que des pompes à chaleur, il nous faudrait encore 300 ans pour nous débarrasser des énergies fossiles utilisées à des fins de chauffage. Et pour rénover l’enveloppe des bâtiments, et donc améliorer leur isolation pour limiter au maximum les pertes de chaleur et les ponts thermiques, 100 ans seraient nécessaires.
«Il s’agit pour ces acteurs de la construction d’agir en tant que conseillers auprès de leurs clients pour favoriser les dispositifs les plus durables.» — Joël Fournier
De quoi avons-nous besoin pour accélérer les choses?
De jeunes motivés et compétents qui puissent s’impliquer dans tous les métiers de la construction. Du charpentier à l’installateur en chauffage en passant par le couvreur, tous ont un rôle à jouer. Au-delà des spécificités techniques, il s’agit pour ces acteurs de la construction d’agir en tant que conseillers auprès de leurs clients. Ne pas simplement remplacer de l’ancien par du neuf, mais connaître les dispositifs et techniques les plus durables pour les favoriser. Une connaissance qui passe par une formation initiale adaptée et des programmes de formation continue.
Construire durablement c’est aussi savoir déconstruire intelligemment. Doit-on repenser notre conception des cycles de vie des bâtiments?
C’est un point complexe. Parfois, démolir pour rebâtir du neuf constitue la meilleure option. En particulier pour de vieux bâtiments qui nécessiteraient de lourds travaux pour adapter leur programme aux besoins actuels. Tout dépend du contexte. La déconstruction, et notamment le recyclage de matériaux tels que le béton, reste bien sûr une démarche à favoriser. C’est d’ailleurs une filière déjà bien développée en Suisse alémanique.
Et que dire des ressources locales, comme le bois? Devrait-on pousser davantage la construction à composer avec ce matériau?
Bien sûr. Les projets architecturaux dont l’ossature de l’ouvrage est construite en bois se développent d’ailleurs. Le bois représente aussi un excellent atout pour des projets de surélévation. Une construction avec une ossature bois permet par ailleurs de bénéficier d’une très bonne isolation sans trop augmenter l’épaisseur des murs et d’obtenir une très haute performance énergétique.