Le créateur du jardin instinctif explique son parcours par ce qu’il appelle délicatement les «circonstances de la vie». Son arrivée en front de Léman dans une maison calfeutrée dans les frondaisons d’une forêt humide, le déferlement de la dévastatrice tempête Lothar comme les plaies de sa vie privée.

Les objets de récupération communient avec la nature et créent des ambiances fantasques. Héloïse Maret.

Autant d’événements qui l’ont amené à travailler dans ce qui ne ressemblait en rien à un jardin. «Il est né du chaos», dit-il, pensif. Autodidacte mais curieux et passionné, ce botaniste en herbe a conçu au fil du temps un écrin végétal, miroir de son paysage intérieur. «Le jardin instinctif est ce tableau que je peins tous les jours. Être créatif et expressif guérit.» Et l’effet est mimétique.

Poésie à l’état brut. Héloïse Maret

Chaque visiteur, confronté à l’univers intuitif de ce jardinier des émotions, en apprend un peu sur Gérard Bonnet mais surtout sur lui-même. L’exubérance des roses anciennes, la verticalité de pierres de schiste de Derborence, les sculptures insolites de ferraille oxydée, la rondeur des compositions poétiques, les digitales nez au ciel, les lumineux hostas, les noisetiers taillés en dôme ouvrant entre leurs troncs emmêlés de nouvelles perspectives, ramènent invariablement l’arpenteur de ce jardin au cheminement de sa propre histoire.

Des déclinaisons de roses et hortensias valorisent les entrelacs de bois. Héloïse Maret

«Les noms des fleurs ne sont volontairement pas mentionnés pour que le visiteur puisse vraiment se laisser aller plutôt que de fonctionner avec son cerveau en quête de connaissances botaniques.»

Une crique de rêve

Le jardin instinctif vit, bouge, avec son lot de lézards, ses nuées de moustiques et d’oiseaux. Ici, l’équilibre et la biodiversité sont naturellement assurés. Après moult tours et détours, sur les sentes de pierres arrachées à la montagne, la visite se termine face au Léman. Vue sur une crique romantique et un sinueux ponton en bordure de roselière.

Plongez dans l’imaginaire en contemplant la créature de bois flotté du jardin secret islandais de Gérard Bonnet. Héloïse Maret

Capturant le passage de la foulque ou la plus lointaine silhouette d’un paddle, un gabarit de ferraille les pieds dans l’eau renouvelle sans cesse l’illusion d’un tableau éphémère. A proximité, un parterre de coquillages et bois érodés dédicace l’Islande.
Un monstre sorti des profondeurs? Il est permis de rêver et de fantasmer.

Le jardinier des émotions Gérard Bonnet a créé son écrin à l’image de son jardin intérieur. Héloïse Maret

Clapotis d’eau, poissons furtifs, bruissements de joncs communiquent très rapidement l’envie de laisser galoper le temps à son gré, de méditer et d’oser même un petit verre de dôle blanche, les yeux perdus sur l’horizon. «Préférez une visite matinale entre jeux d’ombres et de lumières, vous conseille notre guide, ou en fin d’après-midi, quand le soleil éclaire par séquences les lieux.»

Infos pratiques

Jardin instinctif, route des Grangettes 28 à Noville. Tél. 079 471 91 11 (Gérard Bonnet). Visite gratuite et non guidée du 1er avril au 30 novembre, du matin au soir (18 heures). L’accès se fait à pied (3 minutes) depuis le parking au hameau des Grangettes ou depuis Villeneuve par le chemin pédestre (30 minutes).

Cet article peut être lu dans notre magazine « Terroirs » de septembre 2019.

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