Les membres du Conseil national, sortis des urnes le 22 octobre dernier, sont-ils le juste reflet de la population suisse? Pas vraiment, répond une analyse menée sous la supervision d’Andrea Pilotti, maître d’enseignement et de recherche à l’Université de Lausanne.

«S’il est utopique de penser qu’un Parlement peut parfaitement refléter la société, le miroir est particulièrement déformant en Suisse. Ce manque de représentativité interroge la capacité des élus à traduire les problèmes quotidiens de la population au sein de l’arène fédérale», estime le politologue.

«Si des élus se font les porte-parole de certains groupes, sans être directement issus de ceux-ci, cela ne remplace pas toujours la richesse que peut amener une plus grande variété des parcours de vie», ajoute-t-il.

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Salariés absents

La plus grande ligne de fracture se dessine autour de la catégorie socioprofessionnelle des salariés, qui ne représente que 11% des conseillers nationaux (ils étaient encore 18,5% en 2019), alors que la grande majorité de la population active en fait partie.

A l’inverse des salariés, d’autres groupes professionnels sont particulièrement représentés au National. De manière générale, les indépendants forment 51,5% des élus (45% en 2019). Ils sont ainsi 17% à être des chefs d’entreprise, 24% à être issus des professions libérales, dont 10,5% d’avocats, et 10% à être des agriculteurs.

Cette dernière catégorie est particulièrement représentée sous la Coupole et tranche avec ce que l’on observe ailleurs en Europe. «Si l’on ajoute les racines familiales d’autres élus, on monte facilement jusqu’à 15% du nouveau Conseil national. C’est sans commune mesure avec le poids économique du secteur, qui occupe 2,3% des personnes actives», détaille le politologue.

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Paysans influents

Le plus impressionnant est que cette catégorie socioprofessionnelle a su renforcer sa présence dans le temps, en quadruplant le nombre de ses élus depuis la création de la Suisse moderne en 1848. Pour le politologue, c’est aujourd’hui l’un des groupes les plus influents sous la Coupole.

Comment l’expliquer? «Le milieu a su se mobiliser. Il a par exemple été très réactif au moment de la libéralisation de certains marchés, en s’assurant notamment du maintien des subventions par la Confédération. L’UDC, premier parti du pays, est par ailleurs parvenue à garder son ancrage paysan, malgré son orientation néolibérale sur différents enjeux économiques et financiers.»

Universitaires surreprésentés

Malgré cette présence marquée des paysans sous la Coupole, les conseillers nationaux sont majoritairement au bénéfice d’une formation universitaire. Ils sont désormais 58%, légèrement en baisse depuis quatre ans (60,5% en 2019), contre près de 35% parmi la population résidente.

Cette proportion n’a globalement pas évolué depuis 175 ans, mais on assiste à un changement au sein des partis. «On observe une claire académisation des élus de gauche depuis les années 1980», pointe le politologue.

Face à des formes de méfiance envers les institutions qui vont en s’amplifiant, une meilleure représentation, sans imposer des quotas, peut être une solution à explorer

Andrea Pilotti, politologue

Seule l’UDC est désormais composée par une majorité d’élus qui ne bénéficient pas d’une formation universitaire (71%). «Cela ne signifie pas pour autant que le parti est moins élitaire: il recrute parmi des profils d’entrepreneurs, qui sont souvent à la tête d’importantes entreprises. Ce n’est pas le petit plombier du village», nuance Andrea Pilotti.

Au final, le nouveau Conseil national «est composé à 75% par des femmes et des hommes issus de milieux de la petite et moyenne bourgeoisie.» Le politologue note que la situation est similaire au Conseil des Etats.

Solution face à la méfiance

«Face à des formes de méfiance envers les institutions qui vont en s’amplifiant, une meilleure représentation, sans imposer des quotas, peut être une solution à explorer», appuie notre expert.

Les partis ont leur rôle à jouer en proposant «des candidates et candidats aux profils davantage différents et qui ont des chances d’être élus.»

Finances fédérales: coup de pouce des sénateurs aux paysans

Les sénateurs ont notamment approuvé un maintien des paiements directs au niveau de 2023.