Ce samedi aurait dû être le plus beau jour de sa vie. Alors qu’il avait déjà tout gagné, Marco Odermatt a encore régné sur la mythique descente du Lauberhorn.

Le Nidwaldien ne parvenait toutefois pas à profiter de ce succès devant un public qui n’en avait que pour lui. «C’est évidemment la plus belle victoire de ma carrière du point de vue de la performance, mais elle ne l’est pas au niveau des émotions. Avec de telles chutes, je ne peux pas vraiment me réjouir. Pour l’équité de la course, avoir de si longues interruptions n’est pas idéal non plus.»

Trois fins de saison en trois jours

Quelques instants après avoir inscrit son nom au palmarès de la descente de Wengen, Odi se faisait surtout du souci pour le Norvégien Kilde, son rival mais surtout ami du circuit, qui a lourdement chuté dans le final de l’épreuve. Opéré samedi soir, il s’est déboîté l’épaule et s’est coupé au mollet. Souffrant de contusions, on ne sait pas s’il reviendra cette saison. La veille, Alexis Pinturault avait chuté sur le super-G. Comme Marco Kohler lors de la descente sprint. Justin Murisier a également frisé la correctionnelle en tombant sur le haut du parcours samedi.

«Heureusement que c’est arrivé à cet endroit. Ailleurs, ça aurait pu être pire, comme là où a chuté Kilde», note le Valaisan.

Enchaînement éprouvant

Si les épreuves de vitesse de Wengen ont été marquées par le duel entre Marco Odermatt et Cyprien Sarrazin qui se sont partagé les victoires – deux succès pour Odi, un pour Sarrazin –, elles ont aussi et surtout rappelé une fois encore du danger que pouvait représenter l’enchaînement de courses.

On est peut-être des machines, mais on reste des humains avant tout.

Cyprien Sarrazin, 2e de la descente du Lauberhorn

«Trois jours de course, c’est trop. Regardez Kilde, le plus costaud de nous qui s’écrase de cette manière. Ce n’est pas normal. On est peut-être des machines, mais on reste des humains avant tout», s’emporte Cyprien Sarrazin.

«On savait que ça allait être une semaine très brutale. Déjà pour nous qui sommes en bonne santé, c’est très fatigant. Alors imaginez pour Kilde qui était malade ces derniers jours. J’espère que c’est la dernière fois qu’on dispute trois courses de vitesse ici à Wengen», ajoute Marco Odermatt.

J’espère que c’est la dernière fois qu’on dispute trois courses de vitesse ici à Wengen.

Marco Odermatt, vainqueur de la descente du Lauberhorn

«Mon erreur n’est pas due à la fatigue. Celle de Pinturault vendredi non plus. Mais il est évident qu’après cinq jours sur la piste (ndlr: avec les deux entraînements qui ont précédé les épreuves), on ressent nos jambes le dernier jour», note Justin Murisier.

Je suis d’accord de risquer ma vie une fois dans la semaine, pas deux.

Dominik Paris, 3e de la descente

«Disputer deux descentes à un intervalle si proche ne va pas», confie de son côté l’Italien Dominik Paris, qui a terminé sur la troisième marche du podium samedi. «On sait qu’on pratique un sport dangereux, où on va chercher la limite et où tout peut arriver. Mais personnellement, je suis d’accord de risquer ma vie une fois dans la semaine, pas deux», ajoute-t-il.

Une programmation à revoir

Alors, y a-t-il trop de courses? Sont-elles mal planifiées? Si les épreuves s’enchaînent cet hiver en vitesse, c’est qu’il a fallu remplacer celles de Zermatt/Cervinia et de Beaver Creek annulées en début de saison. Pour le doyen de la Coupe du monde, le Français Adrien Théaux (39 ans) qui a fini 6e samedi, le nombre d’épreuves n’est pas véritablement un souci.

«Il faut plutôt rallonger la saison pour mieux les espacer. J’estime qu’on termine trop tôt. Il y a suffisamment de neige encore en avril», estime-t-il.

La programmation des courses de la part de la FIS est lamentable. L’intégrité des athlètes est totalement négligée.

Florian Lorimier, préparateur physique de Justin Murisier

L’enchaînement de courses, voilà également le réel souci selon Florian Lorimier, l’ancien préparateur physique de Didier Cuche qui s’occupe désormais de Justin Murisier, notamment. «La programmation des courses de la part de la FIS (ndlr: Fédération internationale de ski et de snowboard) est lamentable. L’intégrité des athlètes est totalement négligée», n’hésite-t-il pas, argumentant son propos.

«La physiologie des athlètes doit être prise en compte et être le point déterminant dans la programmation des courses. Quand on voit les connaissances actuelles en la matière, on ne peut que regretter l’amateurisme de la FIS. La physiologie est pourtant claire: après plus de deux jours de compétition avec un engagement total», précise-t-il, «les capacités de l’athlète sont fortement affectées, sur le plan neurologique avant tout. Le risque de blessure est doublé le troisième jour de suite où l’influx nerveux est perturbé, où on perd sa réactivité et ses réflexes. Dans un sport de vitesse, les conséquences peuvent être dramatiques.»

Tant que je suis directeur, il n’y aura plus jamais de remplacement de descentes annulées dans un calendrier déjà surchargé.

Markus Waldner, directeur de la Coupe du monde masculine

A la réunion des capitaines d’équipe samedi soir, le directeur de la Coupe du monde masculine a déjà pris des mesures. «Tant que je suis directeur, il n’y aura plus jamais de remplacement de descentes annulées dans un calendrier déjà surchargé», a lâché Markus Waldner. «Ce n’est pas la solution. Il faut faire des courses. Les skieurs gagnent leur vie avec ça. Il faut juste mieux réfléchir à la conception du calendrier. Le problème, c’est qu’une seule personne le fait depuis la maison», conclut le président de Swiss-Ski Urs Lehmann, sans citer le président de la FIS Johan Eliasch mais à qui il fait très certainement allusion.

Viola Amherd: «Marco Odermatt est très modeste, je dirais typiquement suisse»

La nouvelle présidente de la Confédération Viola Amherd se trouvait dans l’aire d’arrivée de la descente remportée par Marco Odermatt. L’occasion de poser quatre courtes questions à la Valaisanne.