Le football valaisan a-t-il un problème avec ses gardiens? Les chiffres effacent toute incongruité à l’interrogation. Aucun portier formé dans le canton n’a défendu régulièrement le filet d’une formation de Super League depuis la saison 2011-2012. Ce portier s’appelait Johnny Leoni. Il enfilait le maillot du FC Zurich.

A lire aussi: Timothy Fayulu: «C’est facile d’être gardien du FC Sion avec la confiance de l’entraîneur et du club»

«C’est une très bonne question», relèvent sans se concerter Marco Pascolo, Gianluca Giannarelli et Johnny Leoni, trois anciens portiers impliqués à différents niveaux dans la formation au terme de leur carrière.

La mentalité des jeunes a changé. Ils ne consentent plus à un investissement aussi fort dans leur sport que celui des générations précédentes.

Johnny Leoni, ancien international et fondateur d’une académie de gardiens

«La mentalité des jeunes a changé», constate Johnny Leoni. «Ils ne consentent plus à un investissement aussi fort dans leur sport que celui des générations précédentes. Elles jouaient constamment au foot à l’extérieur durant leur temps libre. Le problème était de faire arrêter cette activité qui formait les joueurs, gardien compris. Les années ont inversé ce souci. Il faut motiver les enfants pour qu’ils sortent et lâchent les manettes des jeux électroniques.»

40 jeunes à l’académie de Vétroz chaque année

L’académie fondée par l’ancien international accueille une quarantaine de gardiens à Vétroz depuis cinq ans. «Si une pépite se présente, je ne la lâcherai pas», promet-il. Johnny Leoni encadre aussi les sélections cantonales Footéco. Les échanges linguistiques dans le cadre scolaire lui ont amené un élève engagé aux Young Boys lors d’une séance des M14.

«Le gamin m’a demandé de prolonger la séance par des tirs. Sa volonté était impressionnante. Il voulait tout gagner et il s’est battu sur chaque ballon pour l’empêcher de finir au fond. Cette envie de se faire mal et de fournir des efforts supplémentaires est rare aujourd’hui.»

La spécificité du rôle ne tolère pas le moindre relâchement. «La marge de manœuvre pour un gardien est limitée. L’entraîneur a toujours la possibilité d’aligner sur un autre poste un joueur de champ qui ne se sent pas à l’aise comme attaquant ou milieu de terrain. Il faut aussi avoir la capacité d’être critique avec soi-même et de se remettre en question. La vidéo est un outil de travail extraordinaire aujourd’hui. Combien de gardiens exploitent ce soutien?»

FCZ Torhueter Johnny Leoni verabschiedet sich von den Fans nach dem Fussball Meisterschaftsspiel der Super League zwischen dem FC Zuerich und dem Servette FC am Sonntag, 13. Mai 2012, im Stadion Letzigrund in Zuerich. (KEYSTONE/Walter Bieri)

Johnny Leoni salue les supporters du FC Zurich le 13 mai 2012, son dernier match en Super League avant son départ pour Omonia Nicosie. © Keystone

Pas de gardien valaisan au FC Sion depuis 2006

Le FC Sion, club phare du canton, évolue sans portier valaisan depuis 2006, l’année de son retour en Super League. «Il n’y a qu’une place. C’est difficile de bouger un numéro un qui est installé, contrairement à un joueur de champ. Sans oublier qu’à Sion, les gardiens sont souvent tangués par la direction», relève Marco Pascolo.

Si tu joues en première division avec des ambitions, tu t’appuieras sur un élément déjà structuré. La majorité des équipes fonctionnent comme cela.

Marco Pascolo, ancien international et ancien entraîneur des gardiens du FC Sion

Le Sédunois a été engagé durant plusieurs saisons au sein de l’encadrement de l’équipe fanion. «Si tu joues en première division avec des ambitions, tu t’appuieras sur un élément déjà structuré. Sion a misé sur des gardiens confirmés comme El Hadary ou Vanins. Ce n’est pas une exception. La majorité des équipes fonctionnent comme cela. On accorde rarement la patience nécessaire à un jeune. Encore moins aujourd’hui que le jugement se fait plus rapidement qu’avant. Un talent comme Loretz qui s’affirme immédiatement à Lucerne est une exception. La blessure de Müller le lance. Il faut aussi de la chance.»

L’analyse des deux anciens internationaux dépasse le cadre spécifique du FC Sion. «Les exigences pour le gardien sont énormes aujourd’hui. Indépendamment du jeu avec les mains, il faut savoir relancer du pied droit et du pied gauche, avoir de la présence et une bonne lecture du jeu, être fort mentalement à un poste qui ne tolère pas de moments faibles, avoir un plan de carrière.»

Pas de pépite envolée dans le football valaisan

De nombreux jeunes issus de la filière du FC Sion ont croisé le chemin de Gianluca Giannarelli en séries inférieures. «A ma connaissance, le Valais n’a pas laissé échapper un super talent. Si un gardien de cette dimension arrive chez moi, je n’hésiterai pas à relancer le FC», confie-t-il.

Aligner un jeune signifie prendre des risques. Et l’erreur d’un gardien ne se rattrape pas, contrairement à celle d’un joueur de champ, qu’un coéquipier peut compenser.

Gianluca Giannarelli, ancien entraîneur des gardiens du FC Fully et du FC Monthey

Le résident de Collombey a notamment encadré les portiers du FC Fully et du FC Monthey. «Les gars m’ont souvent dit qu’ils s’étaient retrouvés face à un vide en débarquant en M21 parce qu’ils affrontent la concurrence de gardiens expérimentés. Aligner un jeune signifie prendre des risques. Et l’erreur d’un gardien ne se rattrape pas, contrairement à celle d’un joueur de champ, qu’un coéquipier peut compenser.»

Pascolo et lui partagent une certitude. «Tu ne fais plus le saut de première ligue en Super League aujourd’hui, soit directement, soit après un pas de retrait en sortant de la formation.»

Timothy Fayulu s’affirme devant le filet du FC Sion quatre ans après son arrivée en Valais et douze mois de prêt à Winterthour dans l’intervalle. «Mon statut de dernier gardien valaisan aligné régulièrement en Super League me flatte et me fait mal au cœur simultanément. Il faut absolument que notre formation en sorte un. Ce serait une grande fierté», avoue Johnny Leoni.

Pierre-Marie Pittier peut également ressentir un sentiment de solitude. Il est l’unique gardien formé au FC Sion à avoir remporté la Coupe de Suisse sous le maillot sédunois malgré treize victoires.

Numa Lavanchy: «Le FC Sion a un groupe qui est prêt à aller au combat»

Le défenseur de l’équipe valaisanne a montré l’exemple par son état d’esprit engagé contre le Stade Nyonnais.