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Un Bondo est-il envisageable demain en Valais?

Les instabilités de terrains sont redoutables et redoutées. 40 sites sont actuellement sous surveillance automatique. «Le Nouvelliste» vous révèle les lieux problématiques et les systèmes d’alerte mis en place.

01 sept. 2017, 13:23
/ Màj. le 01 sept. 2017 à 18:00
Plusieurs coulées de boue se sont déversées sur le village grison de Bondo.

 

 

 

La montagne n’en finit pas de s’écrouler. On le voit dans le val Bregaglia aux Grisons avec les glissements de terrain successifs – le dernier en date vendredi 1er septembre –  au Piz Cengalo. L’écroulement qui a provoqué une gigantesque coulée de lave torrentielle entre le 23 et le 25 août a emporté de huit randonneurs, endommagé des mayens et a atteint le village de Bondo. Grâce à un système d’alerte installé depuis un précédent et spectaculaire événement en 2011, les autorités ont réussi à évacuer les habitants avant que les coulées de boue et de roches atteignent le village.

Dans ce massif granitique, trois millions de mètres cubes de matériaux sont tombés alors qu’un million de m3 est toujours en mouvement. Pour donner une idée, trois millions de mètres cubes représentent le volume d’une inondation de trois mètres d’eau sur la surface d’un carré d’un kilomètre de côté… 

>> A lire aussi: Grisons: de nouvelles coulées détruisent maisons et routes à Bondo

Qu’en est-il en Valais? Jeudi, une lave torrentielle a déversé 600 mètres cubes de boue sur la route cantonale reliant Orsières à la Fouly. Le système de sécurité qui détecte les coulées et enclanche des feux rouges a parfaitement fonctionné. A une autre échelle, le glissement de terrain dans la région du glacier d’Aletsch, très médiatisé mais peu dangereux, est gigantesque. Il est estimé à 200 millions de mètres cubes. Dans le canton, 40 points chauds sont sous télésurveillance et de nombreuses routes sont équipées de systèmes de détection similaires à la Fouly.

L’Etat du Valais investit en 2017-2018 près d’un million et demi de francs dans le concept de réseau cantonal de surveillance automatique. Entre instabilités de falaises, glissements de terrains et glaciers rocheux, le géologue cantonal Raphaël Mayoraz fait le point sur les sites sensibles, sur les incertitudes liées aux causes exactes de ces événements majeurs mais aussi sur le travail de surveillance effectué depuis plusieurs années. Tour d’horizon en six questions.

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Un écroulement du type  «Bondo» est-il envisageable en Valais?

«Difficilement», estime le géologue cantonal Raphaël Mayoraz. La configuration topographique et géologique du canton est sensiblement différente de celle des Grisons avec le Piz Cengalo situé dans un massif granitique compact. En Valais, la roche est davantage fracturée et schisteuse. Elle absorbe donc mieux les contraintes et déformations dues à la chaleur. Le seul endroit où l’on retrouve ces similitudes en Valais se situe dans le massif du Trient et la région de Saleinaz.

Qui est potentiellement touché par des instabilités de terrain?

Quelques centaines voire quelques milliers de personnes sont concernés et pratiquement le un cinquième du territoire en cas d’événements météorologiques graves, estime le géologue cantonal. En Suisse, la surface est estimée entre 6 et 8%. Mais la probabilité que cela arrive partout est très faible car le cumul sur l’ensemble du canton paraît assez invraisemblable. «Ou alors nous aurions à faire à un événement plus que millénal», prévient Raphaël Mayoraz. Les intempéries d’octobre 2000 ont touché essentiellement le Haut-Valais et celles de mai 2015 le Bas-Valais. 

Ces événements seront de toute façon moins difficiles à gérer que les séismes auxquels on s’attend, séismes pour lesquels des études poussées sur les dégâts potentiels ont été réalisées contrairement aux instabilités de terrains.

Le réchauffement climatique est-il directement à l’origine des événements majeurs?

Ces événements existent depuis la formation des Alpes. Si l’on en vient à une échelle plus contemporaine, le dernier retrait des glaciers a débuté vers le milieu du XIXe siècle. «Les éboulements latéraux des vallées ont vraisemblablement augmenté à partir de cette période. Mais la montagne était moins peuplée et le monde moins médiatisé. Ces éboulements se préparent sur de longues périodes mais le réchauffement climatique a précipité l’écroulement de Bondo», estime Raphaël Mayoraz.

Faut-il redouter une hausse des risques en montagne?

«Il n’y a pas pour l’instant d’augmentation statistique prouvée des événements majeurs en Valais», annonce le géologue cantonal. «Beaucoup de projections disent que l’on va vers une hausse, surtout dans le milieu académique. Mais lors des trois années chaudes en 2015, 2016 et 2017 – hormis Bondo aux Grisons – il n’y a pas eu d’événement majeur», fait remarquer Raphaël Mayoraz. On observe que tous les dix à vingt ans, d’importants éboulements se produisent comme à Randa en 1991. «Nous ne pourrons pas tout surveiller. Mais si nous ne voulons pas louper d’événement majeur, il faudra augmenter encore notre vigilance.»

L’accélération des mesures de surveillance est-elle liée au réchauffement climatique?

«La raison principale de cette accélération est l’évolution technologique couplée à la volonté de toujours mieux protéger la population», répond le géologue cantonal. Il y a dix ans, les webcams, GPS et autres interféromètres étaient peu répandus ou n’existaient simplement pas. Pas plus que les applications informatiques performantes de traitement de ce genre de données. «D’un point de vue géologique, le réchauffement n’est pas le seul critère explicatif des mouvements de terrains». En revanche, la montée en puissance technologique de la surveillance dans les Alpes coïncide avec la thématisation du réchauffement climatique dans la société.

Comment le territoire valaisan est-il surveillé?

La carte des dangers est apparue en Valais dans les années 90. La première station d’alerte pour les laves torrentielles a été installée à des fins de recherche dans l’Illgraben, à l’est du Bois de Finges. Dès 2003, la télétransmission des informaations a débuté. Aujourd’hui, l’objectif du réseau cantonal de surveillance automatique est de collecter toutes les données liées aux instabilités de terrain, aux dangers hydrologiques et à la météorologie sur une même plate-forme informatique.

Ces données sont ensuite accessibles aux chefs de sécurité et aux observateurs locaux pour évaluer au mieux la situation concrète. Les systèmes de télédétection sont installés là où des instabilités sont observées. D’autres mesures sont prises manuellement dans des secteurs moins actifs mais potentiellement dangereux. Mais il n’y a pas de maillage du territoire. 

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