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La Patrouille des Glaciers souffle 70 bougies

Le 24 avril 1943, les premiers patrouilleurs militaires partaient de Zermatt pour rejoindre Verbier.

24 avr. 2013, 00:01
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"Tu veux la voir la médaille d'or de la Patrouille de 1944?" Aurel Vouardoux, 92 ans, s'active vers la grande étagère vitrée de son salon dans sa maison d'Uvrier. Des trophées, des coupes, des breloques à la vue de tous, et puis celle-là, cachée dans son écrin d'origine, dissimulant une gran de fierté et des souvenirs intacts. "Je crois que c'est du vrai or, y'a le poinçon en tout cas! Ouais, c'était le passé" , s'amuse, à peine nostalgique, ce Grimentzard d'origine.

70 ans aujourd'hui

Le 24 avril 1943, il y a de cela exactement septante ans, la première Patrouille des Glaciers partait de la cabane Schönbiel, au fond de la vallée de Zermatt. Aurel n'y est pas, mais son frère aîné Vital fait partie des 18 patrouilles au départ. Vital et ses deux coéquipiers termineront troisièmes de l'épreuve, remportée par la patrouille bagnarde d'Ernest Stettler. Les vainqueurs relient Schönbiel à Verbier en 1 2h 07. "Oui, mais ils ne partaient pas de Zermatt, ça faisait quand même trois heures de moins", prévient de suite Aurel Vouardoux.

Vainqueurs en treize heures et seize minutes

L'année suivante, à 22 ans, Aurel est sur la ligne de départ. Avec ses deux compagnons de cordée, Alcide Genoud et Marcel Michoud, ils forment l'équipe des Anniviards. "J'ai remplacé mon frère. Il savait qu'il ne pourrait pas être là, il se mariait la veille. Pendant qu'on remontait la vallée sous le Cervin, de nuit, lui, il devait être bien au chaud au lit avec son épouse" , rigole Aurel.

Au bout, la victoire les attend. "On est partis les derniers, à 1h 12 du matin. On est arrivés les premiers à Verbier en treize heures et seize minutes."

12 kilos, le fusil, la tenue officielle

Septante ans plus tard, le record de la course donne le vertige: 5h 52. Aurel relativise: "Oh mais tu sais, avant on avait 10 à 12 kilos sur le dos, le mousqueton et la cartouchière. On faisait ça en tenue de l'armée et quand on passait le Pas-de-Chèvres, fallait tirer un rappel de trente mètres avec la corde en chanvre. En arrivant à Verbier, il fallait faire encore un tir chacun au mousqueton, on risquait dix minutes de pénalité. On en avait 18 d'avance sur les Hérensards, on devait pas se rater".

Quant aux skis, on est bien loin du matériel à tout juste un kilo et demi la paire, fixations comprises. "J'avais les skis de piste que mon frère avait gagnés aux championnats suisses juniors à Finhaut, on fixait avec deux câbles. C'était terriblement lourd" , reconnaît-il. Et à chaque remontée, il fallait remettre de la colle sur les peaux.

Pas de ravitaillement

Le ravitaillement? "Il n'y en avait pas, j'ai dû remplir ma gourde d'Ovosport à la prise d'eau du lac des Dix." Pas d'entraînement spécifique non plus. "J'aimais bien marcher mais c'était ma première course. Et puis la montagne est tellement belle, non?" , résume celui qui a obtenu sa patente de guide quelque temps plus tard.

La guerre s'arrête, la Patrouille des Glaciers aussi. Elle renaîtra brièvement en 1949, le temps de vivre un drame; la mort de trois membres d'une cordée sur le glacier du Mont-Miné, entre Zermatt et Arolla. "J'ai participé quatre jours aux recherches. Je suis redescendu le samedi, ils les ont trouvés le lundi dans une crevasse" , se suffit-il à commenter. La PDG est interdite par l'armée.

Maintenir l'esprit

Trente-cinq ans après cette dernière édition tragique, la course renaît, sous l'impulsion de Camille Bournissen et de René Martin. Durant plus de vingt ans, le commandant Marius Robyr en sera le visage connu. Il veut croire à une tradition restée intacte. "La PDG n'a jamais quitté les mémoires depuis 1949, c'est ce qu'il l'a fait renaître. Elle a été élevée au rang de mythe par beaucoup." Dans le discours du brigadier, c'est l'esprit de cordée qui est au centre. "La conception fondamentale des débuts ne doit pas être travestie, car elle y puise son identité et ses racines. Elle doit rester un défi où l'on se mesure et où on remporte une victoire sur soi-même, soutenu par la camaraderie."

L'idéalisme se heurte au cruel réalisme lors de la révélation du cas de dopage décelé sur le coureur français Patrick Blanc en 2008. Mais Marius Robyr en est convaincu, la PDG a de l'avenir. La poignée de main sur la ligne d'arrivée a une saveur particulière et en restera toujours un symbole fort.

Ce n'est pas Aurel Vouardoux qui dira le contraire, fier de nous montrer une ultime photographie, à l'arrivée à Verbier, touchant la main du commandant de l'époque, Julius Schwarz. "Il y avait moins de monde qu'aujourd'hui à l'arrivée, mais il y avait quand même des barrières sur le dernier bout, comme un chemin pour les chèvres" , lâche-t-il dans un sourire.

L'EDITION 2014 AURA LIEU, ET ENSUITE?

Jamais peut-être l'avenir de la Patrouille des Glaciers n'a été aussi incertain. C'est du moins ce qui se dit. Pourtant, jamais dans l'histoire, la Patrouille des Glaciers n'avait été confirmée au-delà de l'édition suivante. Jamais non plus l'engouement n'a été aussi fort, raison pour laquelle l'avenir inquiète.

Et les craintes ne sont pas vaines. Ueli Maurer, président de la Confédération et chef du Département de la défense, lâchait une petite bombe dans "Le Matin Dimanche" du 14 avril: "La Patrouille des Glaciers est plus valaisanne que fédérale. 40% des participants viennent de ce canton et 90% ne sont pas des militaires actifs. Faut-il mobiliser autant de personnes pour cette manifestation? On peut se poser la question." Il annonçait aussi vouloir y participer en 2014.

Ce n'est pas une première. Le conseiller fédéral balayait les espoirs en juin 2012 cela en résumant que rien n'était acquis au-delà de 2014. Le Parlement venait pourtant de donner un fort signal pour maintenir la course. En période délicate pour l'armée, n'est-ce pas un moyen de pression pour s'assurer le soutien du Parlement?

L'actuel commandant, le colonel Ivo Burgener, se veut confiant. "La PDG a de l'avenir. L'image qu'elle renvoie est une carte de visite. Tout le monde, et pas seulement l'armée, en sort gagnant." Et de rajouter "Bien sûr qu'on peut organiser la même course au civil mais ce ne sera plus La Patrouille."

En attendant le 29 avril 2014, une exposition photographique sera prochainement inaugurée aux Gentianes à Verbier et un livre est annoncé.

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