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Jérémie Heitz sublime la gravité

Dans son film «La liste», Jérémie Heitz pousse ses skis à un niveau jamais atteint. Sur 15 faces extrêmes des 4000 des Alpes, il exprime son art avec vitesse, fluidité et sagesse.

17 nov. 2016, 00:29
JEREMIE HEITZ, SKIING ICY SPINES. OBERGABELHORN, WALLIS, SWITZERLANDJérémie Heitz présente son nouveau film, la liste.

Quand il n’y a plus assez de mots pour raconter l’indescriptible, on aime penser que c’est impossible. Jusqu’à ce que les courbes d’un gamin des Marécottes sur les faces les plus raides des Alpes vous donnent tort. Quarante minutes de frissons dans le dos plus tard, le vocabulaire manque pour livrer une impression. Vertigineux.

A plus de 100 km/h à 50 degrés

Jérémie Heitz, 27 ans, vice-champion du monde de freeride, a ce pouvoir, skis aux pieds, de sublimer la gravité. Et il en donne la preuve dans son dernier film, «La liste», fruit de deux ans de labeur, diffusé une première fois pour les Valaisans mardi soir à Martigny, dans le cadre du festival Montagne en scène. Quinze faces sur sa liste et autant de shoots d’adrénaline pour le spectateur qui, aidé par une réalisation à couper le souffle, se sent tomber en regardant le skieur dompter les montagnes. Présent à l’issue de la projection, il a beau s’amuser et promettre aux spectateurs inquiets que «tout était minutieusement préparé» et qu’une fois au sommet, «il n’y avait plus qu’à skier», on rit nerveusement. Car quand il descend, au-dessus de 100 km/h ces pentes inclinées à plus de 50 degrés, que l’on croyait jusqu’ici réservées à ceux qui les grimpent et à quelques adeptes de la godille, il ne reste plus aucun point de comparaison.

Au summum du ski

Pour tenter de raconter l’histoire, laissons les mots justes à ceux qui, dans le film, ont cru à cette idée un peu folle de ce prodige du freeride, issu des rangs du ski alpin. D’abord à Nicolas Falquet, icône dans le milieu, qui assure que Jérémie Heitz a atteint «le summum du ski». A Samuel Anthamatten, lui aussi freerider et fidèle compagnon de Jérémie Heitz, pour qui son pote «consacre l’évolution logique du ski de pente raide». Et enfin aux pères de cette discipline si particulière, Sylvain Saudan et Dédé Anzévui. Ces figures d’inspiration, hurluberlus devenus pionniers, ont été un jour ceux qui ont eu envie de mettre des skis là où on ne chaussait que des crampons. Des milliers de virages pour venir à bout d’une face. «Ça me prenait une heure et demie, Jérémie a besoin de quinze secondes. Je suis une deux chevaux sans moteur et lui, une Ferrari», s’esclaffe Dédé Anzévui devant l’assemblée, lui qui a été le premier à skier la face nord du Cervin. «A la descendre avec des skis aux pieds», corrige-t-il.

Capacité de renoncement

On rejettera cela dit les mots qui renvoient ce film à l’extrême ou à l’inconscience. D’abord parce que l’extrême, le souligne l’aventurier Mike Horn, pour ceux qui le font, ce n’est pas l’extrême. Ensuite parce que pour être inconscient il faudrait que Jérémie se lance à l’aveugle et ce serait faire insulte à sa capacité de renoncement, son professionnalisme et à l’équipe qui l’a entouré. Plusieurs exemples dans le film donnent raison à cette théorie. A chaque tentative, il est lui-même monté dans la face pour se rendre compte des conditions. Et par quatre fois, il fera demi-tour. Conjugués, les exploits et les revers assumés élèvent ce film au rang de documentaire, comme une ode à ceux qui réinterprètent la montagne sans en enlever l’essence.

Recherche de l’esthétique

Pour jouer cette partition, on osera admettre qu’il a fallu à Jérémie Heitz du talent, de la chance dans les conditions mais aussi un peu de folie, l’ingrédient qui fait que le génie devient artiste. Jérémie Heitz ne tient pas à descendre ces faces coûte que coûte, il veut y parvenir avec son style, le plus rapidement et le plus fluide possible parce qu’il est mû par une profonde recherche de l’esthétique. Son film, c’est de l’art. Une impression corroborée par une petite phrase qu’il nous glisse à la sortie. «Je ne veux pas faire peur aux gens, je veux que ce soit beau à regarder.»

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