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Ces hôtels centenaires qui racontent le tourisme valaisan

L'association hôtelière du Valais a fêté mercredi à Champéry son siècle d'existence. Mais le canton regorge d'établissements plus que centenaires qui, bien plus que des murs, sont des témoins de l'histoire touristique du canton. Détours à Arolla, Champéry et Crans-Montana.

26 mai 2017, 16:15
/ Màj. le 28 mai 2017 à 17:00
A Zermatt, les hôtels érigés par Alexandre Seiler dès le milieu du XIXe siècle, illustrent le formidable essor que vivra l’hôtellerie partout dans le canton jusqu’au début du 20e siècle. De neuf établissements en 1890, Zermatt en comptera vingt-six seize ans plus tard.

«Ce qui a le plus changé en 100 ans dans l’hôtellerie, c’est la rapidité avec laquelle de nouvelles tendances émergent et sont remplacées par d’autres.» Directeur de l’association hôtelière du Valais, Patrick Bérod a ouvert mercredi la centième assemblée de l’entité. Et il ne le cache pas, le monde hôtelier bouge aujourd’hui un peu trop vite. «On a un peu le sentiment d’être sur le quai de la gare sans savoir dans quel train monter.» Une métaphore toute trouvée pour faire un brin d’histoire et se souvenir que l’arrivée du rail coïncide avec le développement de l’hôtellerie en Valais, dès le milieu du XIXe siècle.

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Le succès d’abord estival

Une histoire de l’hôtellerie faite de chamboulements touristiques que nous vous racontons au travers de trois exemples du Valais romand. (lire ci-dessous.) Mais comment parler d’hôtellerie sans s’imposer un détour dans le Haut-Valais et par la personnalité d’Alexandre Seiler, premier à poser les pierres de l’hôtellerie zermattoise au milieu du 19e. C’est dans son établissement, l’hôtel Monte Rosa, que Whymper logea avant son ascension victorieuse du Cervin en 1865.

La suite de l’histoire à succès est connue. «Mais Zermatt n’est à l’origine pas un cas isolé. A l’arrivée du train dès 1850 en Valais, on observe une diffusion de petits hôtels dans tout le territoire, souvent très éloignés les uns des autres», détaille Jean-Henry Papilloud, président de la société d’histoire du Valais romand.  A cette époque, les touristes qui viennent en Valais sont essentiellement des Anglais et voyagent exclusivement l’été, à la recherche d’air pur, de conquêtes alpines.  

Essor jusqu’à la guerre

Dès la fin du 19e et jusqu’au début de la première guerre mondiale, l’hôtellerie valaisanne vit un gigantesque boom. C’est aussi la période de l’amélioration des accès, de la construction des lignes de chemins de fer de montagne. De deux hôtels à Champéry en 1886, on en compte sept en 1896 et quatorze en 1911. A Zermatt, on passe même de neuf établissements en 1890 à vingt-six en 1906. «Mais la guerre va arrêter d’un seul coup cet essor. Et c’est d’ailleurs en partie à cette situation difficile que répond, en 1917, la création d’un office national du tourisme et, précisément, de l’association hôtelière du Valais», ajoute Jean-Henry Papilloud. 

Le ski salvateur

Les temps deviennent durs, il est donc l’heure de se serrer les coudes. Jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, très peu de nouveaux établissements voient le jour.  «Certains servent à héberger des blessés de guerre, des internés ou des réfugiés. L’entre-deux guerres est aussi la période de la reconversion vers le tourisme d’hiver», poursuit l’historien. Suit alors le deuxième grand boom de l’histoire de l’hôtellerie valaisanne, celui du ski. Des hôtels, et mêmes des stations, sortent littéralement de terre. 

L’incertitude du 21e siècle

Ce développement se poursuit jusqu’à la fin des années 80 où l’hôtellerie entre dans une phase de stagnation qui perdurera jusqu’à une période très récente.  De nombreux hôtels, face à l’augmentation de la valeur du foncier avec la construction d’appartements ou de chalets, sont transformés en résidences secondaires. C’est le cas à Crans-Montana qui voit une grande partie de son parc hôtelier disparaître.  «Les trente dernières années ont été marquées par une forme de rivalité entre les formes d’hébergement. Aujourd’hui, on revient dans une logique inverse qui consiste à se rendre compte de l’importance des lits chauds avec de nouveaux projets. Le Valais compte d’ailleurs de nos jours environ autant de lits hôteliers que dans les années 80», analyse Christophe Clivaz, professeur associé à l’Institut de géographie et durabilité de l’Université de Lausanne et spécialiste des questions touristiques.

Sans risquer de se lancer dans des prédictions d’avenir, Patrick Bérod affiche un certain optimisme pour les années à venir. «Beaucoup de choses bougent notamment avec la révolution digitale en marche. Mais le cœur de l’hôtellerie valaisanne a toujours été l’humain et il faut que ça le reste.»

1. Arolla: Le Grand hôtel Kurhaus, le pari un peu fou d’un visionnaire

Arolla. Le nom rime encore aujourd’hui souvent avec la longueur du chemin à parcourir pour s’y rendre. Porte d’entrée de la haute montagne au pied des glaciers, la bourgade n’était au milieu du XIXe siècle un alpage. «Mon arrière grand-père, Jean-Baptiste Gaspoz, était un visionnaire. Il avait déjà construit l’hôtel de la Dent-Blanche à Evolène en 1858, deux avant l’arrivée du train à Sion. En 1875, il a acquis les terrains à l’évêché de Sion pour bâtir ce qui deviendra le Kurhaus», raconte Peter Weatherhill qui incarne la quatrième génération de la même famille à la tête de l’hôtel.

C’est en 1894 que la dernière pierre sera posée, là-haut à 2100 mètres d’altitude, trois ans après la mort de Jean-Baptiste Gaspoz. Sa veuve, Honorine, se chargera de veiller sur la fin des travaux et d’exploiter l’hôtel, avec six enfants à élever seule. Une démonstration de courage qui semble avoir toujours fonctionné comme un rappel de ne jamais baisser les bras. Et le pari est gagnant. Les Anglais raffolent de ce coin de paradis. Et tant pis s’il faut à l’époque parcourir 2h de route carrossable jusqu’aux Haudères puis deux heures et demie de chemin muletier pour rejoindre l’hôtel. 

La force du dépaysement

La première ouverture hivernale coïncide avec la construction du téléski, en 1968. «Dès la fin de la guerre, la clientèle a changé.Il n’y avait presque plus que des Suisses et l’hiver a pris de plus en plus de place», poursuit le propriétaire. La bâtisse, elle, n’a presque pas changé, conservant le charme d’antan. Des investissements réguliers ont permis de maintenir l’établissement de 35 chambres à flot. Et si l’hiver reste  le cœur de l’activité en profitant également du boom du ski de randonnée, c’est bien ici la chaleur des temps anciens que l’on vient chercher, isolé au milieu des arolles, des mélèzes et à portée de glaciers. «Nous avons par exemple des grandes familles qui s’y retrouvent à Noël ou des groupes venus chercher le dépaysement. On a la chance d’être dans une région qui n’existe nulle part ailleurs», sourit Peter Weatherhill.

2. Champéry: Le National, ou quand une station naît avec un hôtel

S’il y a une station valaisanne qui peut lier son destin avec celui d’un hôtel, c’est sans doute Champéry. Même si le village est habité avant cette date, c’est sans conteste avec la construction du Grand hôtel de la Dent du Midi en 1857, huit avant l’achèvement de la route qui reliera la station à Monthey, que débute l’histoire de Champéry. Cet établissement de 180 chambres est tout ce qu’on fait de mieux pour l’époque et mise sur une clientèle haut-de-gamme en tablant notamment sur les cures, la randonnée et la botanique.

«C’est la commune en association avec des privés qui a lancé ce projet, elle répondait à une volonté locale», explique l’actuelle directrice de l’hôtel National, un quatre étoiles de 16 chambres à l’entrée du village de Champéry. En fait, cette bâtisse est l’héritière du Grand hôtel qui sera démoli après la seconde guerre mondiale durant laquelle des réfugiés sont hébergés. Ses 160 chambres sont liquidées à l’automne 1945, sans pouvoir se relever des difficultés de l’entre-deux guerres. «Le bâtiment a été construit en 1896 et servait de dépendance. Ce n’est que plus tardivement qu’il a été exploité comme un hôtel», précise l’actuelle directrice, Sandrine Deledalle. 

Sauvé par un mécène

Après la fermeture du Grand hôtel, la bâtisse change plusieurs fois d’affectation et ce n’est que la fin des années 1980 que la bourgeoisie, propriétaire, décide d’en faire un hôtel trois étoiles d’une trentaine de chambres. Mais la période qui suit est difficile pour l’hôtellerie et la bourgeoisie peine à sortir la tête de l’eau.

Le salut viendra de Michel Devos, un citoyen français tombé amoureux de Champéry qui rachète l’hôtel National en 2014 pour le rénover en un quatre étoiles. Plus qu’un mécène, l’homme est reconnu ici comme une forme de déclencheur pour la station. «Il a amené une impulsion dans le village. Je crois que nous sommes vraiment dans une bonne dynamique. L’offre se diversifie, il y a d’autres projets et la concurrence est saine. Je crois que nous sommes vraiment dans une bonne dynamique», sourit la directrice.

3. L’hôtel du Parc, une certaine idée de Crans-Montana

Le lieu semble avoir été oublié du temps qui passe. Posté sa colline au-dessus du Lac Grenon, l’hôtel du Parc jouit encore de la tranquillité de l’espace et la colline a gardé sa verdure. De là, la vue sur les sommets de 4000 mètres du Val d’Anniviers n’a rien perdu de son charme. Ouvert en 1892, c’est le premier établissement  de Crans-Montana. Il est l’œuvre de Michel Zufferey et de Louis Antille, deux hôteliers sierrois. Ce dernier a d’ailleurs fait ses armes du côté du Sud de la France avec un certain César Ritz, l’illustre haut-valaisan, pionnier de l’hôtellerie de luxe.

Au moment de la construction, les deux hommes veulent la garantie de la quiétude. Et après avoir acheté 33’000 mètres carrés de terrain à la Bourgeoisie de Lens pour 6000 francs, ils s’engagèrent à ne pas créer de cabaret et à laisser passer le bétail sur la propriété, à condition qu’aucun hôtel ne soit construit dans le périmètre pour une durée d’au moins... 50 ans. Mais suite au boom hôtelier de la fin du XIX, ce contrat ne tiendra que cinq ans jusqu’à la construction d’un second hôtel à Montana en 1897. 

«Un diamant brut»

L’hôtel reste en mains de la famille Antille jusqu’à ce qu’un incendie détruise la bâtisse en 1952. Deux ans plus tard, Heidi et François Bonvin (qui sera président de Montana entre 1948 et 1980) rachètent l’hôtel et le remettent à neuf. Ce dernier sera un pionnier du développement du tourisme d’hiver dans la station puisque l’hôtel servira de caution au financement de la télécabine du Signal. L’hôtel du Parc marque aussi, dès les années 70, sa résistance à la spéculation immobilière et à la disparition de nombreux hôtels dans la station. Depuis 1991, c’est la fille de François Bonvin, Marianne Walcher-Bonvin, qui est propriétaire de cet établissement 4 étoiles de 69 chambres. Lors d’un entretien en 2003, elle trouvait d’ailleurs la meilleure définition du lieu sur lequel est assis son hôtel: «C’est un diamant que j’ai reçu de mes parents, taillé il n’a pas la même valeur.»

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