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Suisse-Europe: le 6 décembre 1992, le peuple refusait l'adhésion à l'Espace économique européen

Le 6 décembre 1992, l'une des votations les plus importantes de l'histoire récente de la Suisse se soldait par un non. Un petit non, mais un non tout de même à l'adhésion de notre pays à l'Espace économique européen. Retour sur un scrutin qui a mobilisé près de 80% des citoyens.

04 déc. 2017, 12:45
/ Màj. le 06 déc. 2017 à 07:30
Ce 6 décembre 1992, les conseillers fédéraux Jean-Pascal Delamuraz, René Felber et Arnold Koller sont défaits. Ils annoncent les résultats de la votation qu'ils viennent de perdre.

Le 6 décembre 1992 le peuple suisse disait non, à une courte majorité, à l'entrée dans l'Espace économique européen (EEE). Retour, 25 ans après, sur une votation historique qui a mobilisé près de 8 citoyens sur 10 et qui s'est soldée par un écart de moins de 24'000 voix.

1. L'Espace économique européen, c'est quoi?

En 1992, l'Union européenne (UE), qui ne comprend alors que 12 pays, souhaite faciliter les échanges économiques avec les 7 pays de l'Association européenne de libre-échange (AELE) où l'on retrouve à l'époque la Suisse, le Liechtenstein, l'Islande, la Norvège, l'Autriche, la Finlande et la Suède. 

Le 2 mai 1992, les gouvernements de ces 19 pays signent alors un accord sur l'Espace économique européen (EEE). Il entrera en vigueur en 1994, sauf en Suisse, où le texte est refusé à une courte majorité par le peuple.

L'EEE en 2017, avec, en bleu, les États membres, en orange, la Croatie, membre provisoire, en vert, l'AELE.

 

En parallèle, le 22 mai 1992, la Suisse dépose une demande d'adhésion à l'Union européenne. Elle sera, elle aussi rangée dans un tiroir avant d'être officiellement retirée... en juillet 2016!

2. En 1992, qui est pour, qui est contre?

Emmenée par Christoph Blocher l'Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN) se bat contre l'adhésion. Contre le Conseil fédéral, contre la majorité de la classe politique, contre les syndicats et les milieux économiques... Et pourtant, seule contre tous, l'ASIN convainc 50,3% des votants. Pour un peu moins de 24'000 voix, la Suisse n'adhère pas à l'EEE. 

 

 

3,58 millions de Suisses votent, soit 78,73% des électeurs. Résultat final: 1'762'872 oui et 1'786'708 non. C'est plus net au niveau des cantons, avec 14 cantons et 4 demi-cantons qui rejettent l'adhésion, contre seulement 6 cantons et 2 demi-cantons qui l'approuvent.

3. Pourquoi le non l'a emporté?

Un double clivage Romands/Alémaniques et ville/campagne se dessine à la sortie des urnes, où près de 8 Suisses sur 10 se sont rendus, un record depuis 1947. De ce côté-ci de la Sarine, l'adhésion est soutenue par 70% des votants et l'ensemble des cantons, contre seulement 40% en Suisse alémanique et au Tessin. En Suisse allemande, seuls les deux Bâle disent oui.

La campagne a été intense, mais relativement courte, sept mois, et les élites qui défendaient un projet relativement complexe, n'ont pas su convaincre les Suisses. Elles ne sont pas parvenues à dissocier le vote sur l'EEE du processus d'adhésion à l'Union européenne.

 

Alors que les premiers sondages donnent le oui à l'EEE vainqueur, l'offensive de l'UDC zurichoise, portée par Christoph Blocher, à grand renfort de publicités dans tous les médias du pays, renverse la tendance durant les derniers jours avant le scrutin. En thématisant sur la perte de la souveraineté de la Suisse, sur l'immigration et une baisse prévue des salaires, l'UDC et l'ASIN visent juste.

4. Qu'est-ce que ce "dimanche noir" a changé pour la Suisse?

À l'annonce du scrutin, le Conseiller fédéral vaudois radical Jean-Pascal Delamuraz, qui a porté la campagne pour le oui à bout de bras, parle d'un "dimanche noir pour l'économie suisse, pour le futur des emplois dans notre pays, pour tous les partisans de l'ouverture dans ce pays, c'est-à-dire la moitié du peuple, tous cantons confondus, et plus particulièrement les cantons romands et les deux Bâle. C'est un dimanche noir aussi pour la jeunesse de ce pays qui se trouve privée d'un projet."

Le tableau est sombre, catastrophiste. Dans les faits, le Dictionnaire historique de la Suisse retient qu'effectivement, la Suisse entre alors dans la plus longue période de stagnation économique de la seconde moitié du XXe siècle. En moyenne, dans les années 90, le taux de croissance en Suisse est de 1 à 2% inférieur à celui de nos voisins européens. Le chômage augmente et les investissements reculent. Pour le Conseil fédéral et la majorité des économistes du pays, le lien entre la votation et cette crise économique est clair. 

Dès 1994, la Suisse engage avec l'Union européenne des négociations bilatérales. Les premiers accords sont approuvés par le peuple en mai 2000. Un deuxième bloc d'accords est validé en 2004. Depuis, le peuple suisse a soutenu cette voie bilatérale à chaque votation. Ces échanges ont permis au pays de traverser la crise économique des années 90 et de retrouver la voie de la prospérité.

Mais, malgré les accords bilatéraux, la Suisse subit toutefois toujours des inconvénients liés au non du 6 décembre 1992. "Les accords bilatéraux ne lui permettent pas d'avoir accès à la totalité du marché intérieur de l'Union européenne (UE), comme c'est le cas pour les pays membres de l'EEE", observe Sergio Rossi.

5. Aujourd'hui, est-ce que la Suisse pourrait encore entrer dans l'EEE?

Théoriquement, oui. En réalité, aucune formation politique suisse ne souhaite rejoindre les 31 États membres. La voie bilatérale, à peine freinée par le vote du 9 février 2014 sur l'immigration de masse, est profitable à la Suisse. Elle montre pourtant des signes d'essoufflement, par exemple sur les questions des banques et d'électricité.

Dans l'opinion publique, l'option bilatérale perd un peu de terrain. Même si 60% des Suisses la soutiennent encore, ils étaient plus de 80% en 2016. Ceux qui y sont opposés veulent soit les dénoncer (28%), soit adhérer à l'Union européenne. Quant à la solution de l'Espace économique européen (EEE), écartée de peu en 1992, elle serait désormais adoptée, de justesse également, par 51% des personnes interrogées (50% en 2016).

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