Dans son salon de tatouage de Manchester, Paul n'arrive à rien, interrompu sans arrêt par le téléphone. Quatre jours après l'attentat meurtrier, des centaines de personnes veulent graver sur leur peau une petite abeille, symbole de résilience dans la ville endeuillée.
Naomi Johnson, robe d'été, lèvres rose bonbon et lunettes de soleil relevées sur le front, a eu de la chance. Elle est arrivée tôt vendredi chez Tattitude, avant le tourbillon, ils l'ont prise tout de suite.
Aaron is one of many people in Manchester to have had a bee tattoo. The proceeds are going to support arena attack victims pic.twitter.com/5hiJJu88Ug
— BBC Newsbeat (@BBCNewsbeat) 26 mai 2017
"J'avais envie de faire quelque chose qui résume comment on se sent tous", raconte cette neurologue de 32 ans, la cheville gauche posée sur un tabouret. Un artiste est penché dessus, concentré. Il écrit aussi les mots "Stay strong our kid", une expression locale pour dire "tiens bon mon ami".
"Manchester est une ville unique. L'abeille signifie qu'ici on travaille dur, qu'on est debout et solidaires, explique-t-elle en référence à la culture ouvrière de la cité. "Et en plus, l'argent revient aux familles".
if y'all didn't know the worker bee is a huge symbol for manchester, my home town.in light of recent events, i finally got my first tattoo:) pic.twitter.com/YHoripLVRg
— jessica ☆ (@jessicaghead) 27 mai 2017
"Demande énorme"
Un fonds d'aide, mis en place par la mairie avec notamment l'aide de la Croix-Rouge après l'attentat de lundi soir qui a tué 22 personnes dans une salle de concert, a déjà récolté 4 millions de livres.
Un tatoueur de la région, reconnaissant ne savoir "que tatouer", s'est mobilisé, proposant de faire payer 50 livres la petite abeille et de verser les sommes collectées à ce fonds. Une consoeur a monté une page Facebook et c'était parti.
Jordon, 28 ans, qui dessine d'un geste sûr et rapide l'abeille de Naomi, fait des heures sup depuis plusieurs jours. "Et je vais venir bosser sur mes jours de repos. La demande est énorme", dit-il.
Bee tattoo time at Sacred Art, Manchester. They're holding a mass inking event on Sunday - proceeds go to victims and their families pic.twitter.com/pi3POsiXRh
— Laura Connor (@ljconnorjourno) 26 mai 2017
"Sans rendez-vous"
"Hier j'ai tatoué une quinzaine d'abeilles. Et là, il y a déjà six personnes qui attendent leur tour", dit le jeune homme, sans lever la tête de son ouvrage.
Son patron, Paul, qui possède trois salons, confirme. "On a rappelé des clients qui avaient rendez-vous pour leur dire qu'on les prendrait plus tard. On se concentre sur les abeilles. Comme ça on peut prendre des gens qui se présentent... Pardon, je dois répondre là", dit-il. Encore le téléphone.
"Oui dimanche et lundi, ce sera ouvert. Sans rendez-vous. Des tatoueurs vont venir en renfort d'autres villes du coin, mais il faudra faire la queue oui..." Il raccroche. "Je vais acheter des boissons fraîches pour faire patienter les gens", dit-il, comme à lui-même. A Manchester, le soleil brille et les températures sont estivales.